La ville qui n'aimait pas son roi
tendant l’oreille pour surprendre les conversations mais sans apprendre rien.
L’aubergiste ne revint pas les voir, mais au moins ne les avait-il pas dénoncés. À la nuit tombante, ils rentrèrent à la tour.
Ils revinrent les deux jours suivants. À chaque fois, l’aubergiste venait parler un moment avec eux. Il leur dit même avoir
posé d’adroites questions sur leur ami Bordeaux mais personne ne le connaissait.
Les traine-rapières étaient toujours là, plus nombreux chaque jour. Olivier en compta une quarantaine. Préparaient-ils quelque inquiétante entreprise? Plusieurs fois, Olivier vit certains d’entre eux les désigner et interroger le cabaretier. On se posait des questions sur eux. Il fallait tenter quelque chose, ou ne plus revenir. Le quatrième jour, il attrapa par la main la fille de salle qui les servait. Elle se méprit et lui sourit en se penchant vers lui pour dévoiler la profondeur de son corsage et la lourdeur de ses avantages.
— Tu sais garder ta langue? demanda-t-il, en détournant le regard.
— Oui, monseigneur, fit-elle d’une voix enjôleuse avec un sourire qui se voulait aguicheur.
Comme toutes les servantes et les chambrières d’hôtellerie, elle pratiquait la galanterie la plus effrontée et la luxure tarifée.
On chantait d’ailleurs cette année-là :
La chambrière belle
Si elle est godinette ,
Vous baisez sa bouchette
Pour avoir de l’argent ,
Elle a bien la finesse
De prendre hardiesse
De prester son corps gent .
Olivier ouvrit sa main gauche qui contenait un écu d’or.
— Ça te tente?
— Oui, monseigneur. Je ferai tout ce que vous voudrez, dit-elle en les regardant tous deux avec impudence.
— Si tu répètes à quiconque ce que je vais te demander, je te couperai moi-même la langue.
Elle prit peur et tenta de se dégager.
— Tu connais Urbain de Laval, comte de Boisdauphin? poursuivit-il.
— Non, monseigneur, mais je peux demander.
— À qui?
— Aux autres filles. S’il loge ici, elles le connaîtront.
Le monseigneur avait disparu. La fille avait compris qu’il ne s’agissait plus de rataconiculer.
— Tu seras discrète?
— Pour un écu, je peux même être muette, sourit-elle.
— Vas-y, je veux savoir s’il est là et à quoi il ressemble. Pour ta gouverne, il a tué mon frère. Tu comprends? Prends la pièce, mais si tu dis un mot de trop, tu es morte. En revanche, si tu ne nous trompes pas, il y aura une autre pièce.
Elle comprit qu’il s’agissait d’une banale vengeance familiale et s’éloigna avant d’emprunter l’escalier qui montait vers
les chambres.
— Ce va être l’heure de vérité, dit Olivier en montrant la sortie. Si elle nous dénonce, il faudra filer au plus vite.
— Et nous aurons ceux-là à nos trousses. Mais si elle ne nous dénonce pas, que faisons-nous?
— On lui demande de nous décrire le bonhomme, on l’attend et on le suit quand il sortira. La nuit va tomber, on l’attirera dans un coin et on l’interrogera.
— Ça me va.
Caudebec eut alors le regard attiré par un nouvel arrivant. Il donna un coup de coude à Olivier et appuya son front sur son
autre main pour dissimuler son visage. Olivier tourna la tête et son regard croisa celui du capitaine Cabasset.
L’officier du duc de Mayenne resta un instant les yeux plantés dans les siens, puis se détourna et se dirigea sans se presser
vers la table des spadassins.
— Troussons guenilles 3 ! dit Olivier en jetant quelques sols sur la table.
Ils se levèrent pour se diriger lentement vers la sortie. À tout instant, Olivier s’attendait à ce qu’on les interpelle, mais
ils passèrent la porte sans être arrêtés.
Sitôt dehors, ils s’éloignèrent en courant, traversant la place et ne cherchant pas à récupérer leurs chevaux. Olivier entraîna son compagnon vers le cimetière Saint-Jean. Prenant le passage qui y conduisait, trois ribaudes en jupes rouges et collets renversés les interpellèrent, voulant sans doute leur proposer de voir de près les mystères de la Passion. Olivier les bouscula. Il savait qu’au bout du cimetière se trouvait une poterne toujours ouverte. Ils la franchirent et, apercevant une échelle qui permettait de rejoindre une galerie serpentant entre les maisons, ils y grimpèrent quatre à quatre. Ils entendirent alors des cris dans le cimetière : « Des Navarrais! Des espions navarrais! À mort! »
Cabasset les avait bien reconnus! On les
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