La ville qui n'aimait pas son roi
seulement de huit serviteurs. Olivier
ne put s’empêcher d’admirer son audace.
Des femmes jetaient des fleurs sur son passage quand soudain un cantique monta, repris en chœur par l’assistance. Le duc ôta
son chapeau, écoutant avec ferveur ce chant qui traitait de la délivrance du peuple d’Israël. Au milieu de cette populace
idolâtre, Guise paraissait calme et parfaitement maître de lui-même. Olivier se souvint de la ferveur qu’il avait éprouvée
envers cet homme quand il était jeune. Inconsciemment, il le compara avec le roi de France, fluet, blafard, malade et maquillé
de fard. Ensuite il pensa au roi de Navarre, plus petit que Guise et autrement moins beau, mais certainement autant aimé.
Les trois Henri étaient bien différents et le duc lorrain était certainement le plus magnifique. Pourtant, Olivier devinait
que c’était son apparence que les Parisiens idolâtraient, tandis que Navarre était aimé pour son comportement.
Il regarda Cassandre. Au visage plein de mépris de son épouse, il sut qu’elle n’était pas tombée sous le charme de la grâce
et de l’élégance du duc.
Le cortège s’était arrêté non loin d’eux. Quand le chant cessa, Henri de Guise prit la parole. Sa voix était grave et portait
loin.
— Merci mes amis, merci! Je ne sais point me cacher quand on m’accuse. On me calomnie auprès du roi, je vais donc le trouver. Est-ce qu’on me ferait un crime d’avoir détruit l’armée des reîtres, de vouloir le triomphe de la foi et le soulagement du peuple? Des crimes de ce genre,je l’avoue, seront toujours au fond de mon cœur! Ô mes amis! Qu’il me tardait de vous revoir! Que votre amour me touche! J’oublie en ce moment que je vais entrer dans une cour où l’on n’écoute que le duc d’Épernon, mais le roi sera éclairé! Espérons qu’il s’unira de bonne foi à la sainte Ligue. Vive le roi!
À ce dernier cri, le peuple ne répondit que par les cris : « Vive le duc de Guise! » et Olivier vit le Lorrain sourire.
Des gentilshommes arrivés d’on ne sait où écartèrent la foule, aidés par quelques serviteurs vigoureux. C’était difficile,
car le peuple entier voulait servir d’escorte. Finalement, le duc dut reprendre la parole pour qu’on lui laisse le passage,
expliquant qu’il se rendait à l’hôtel de la Reine, près de Saint-Eustache, pour se mettre sous la protection de Catherine
de Médicis.
— Vive Guise! Vive le pilier de l’Église! ovationnaient des centaines de voix.
Devant une boutique, une demoiselle en prière lança au duc, les larmes aux yeux :
— Bon prince, puisque tu es ici, nous sommes tous sauvés!
Le Balafré la salua d’une révérence et les cavaliers purent enfin se remettre en marche. Portés par la foule, ils tournèrent dans la
rue Mauconseil.
Alors que la circulation reprenait, Olivier et Cassandre virent arriver de la porte Saint-Denis un chariot tiré par des mules.
Ce n’était qu’une grosse caisse de bois peinte en bleu avec un toit à double pente, mais sur ses flancs s’étalait une croix
blanche à huit branches. Derrière suivait un second chariot identique. Les véhicules étaient escortés par deux douzaines de
gardes en morion dont plusieurs portaient le manteau des hospitaliers.
— Les chariots d’or étaient derrière le duc! murmura Cassandre.
— Ils ont dû faire le voyage ensemble et ne se séparer qu’aux portes, les chariots passant seuls la porte Saint-Denis pour qu’on ne se doute pas qu’ils étaient avec lesLorrains. Cela explique cette faible escorte. Guise a dû venir accompagné de beaucoup plus de monde et ne faire que la fin
du voyage seul, avec ces chariots et leurs gardes autour de lui. En cas de mauvaise surprise, les hospitaliers lui auraient
porté secours.
— Et inversement, Guise pouvait protéger son or si on avait voulu le voler, ironisa Cassandre.
Chez Olivier, l’admiration qu’il avait ressentie devant le courage du Balafré disparut d’un seul coup. Le duc était bien l’homme calculateur décrit par ses ennemis.
Ils suivirent à pied le convoi. Olivier était persuadé qu’il se rendait à l’ambassade d’Espagne, mais il n’en fut rien. Il
tourna au contraire rue aux Ours, en face de la rue Mauconseil.
Où allait-il?
Les chariots prirent la rue Grenier Saint-Lazare, puis traversèrent la rue du Temple jusqu’à la rue du Chaume. Le convoi s’arrêta
devant la porte à
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