La Violente Amour
mon
prisonnier.
Oyant quoi, M.
de Sigogne, qui s’était rassis sur le tapis, le dos contre le mur, ne branla pas
d’un pouce, et pour une fois, ne dit mot. En cela montrant quelque vaillance,
car d’Andelot était tant sorti de ses gonds qu’il eût bien pu, par dépit, le
dépêcher incontinent, ou laisser un de ses gens de pié le faire comme je vis
bien qu’ils en brûlaient d’envie.
— Monseigneur,
dit un de ceux-là dont j’aimais peu l’œil méchant et la face renarde, après
tout, il n’y a là que trois ligueux désarmés et deux navrés sur une coite. Foin
de la parlote et de la caquetade ! Enlevons le ligueux et la cornette sans
tant languir. Qui nous en empêchera ?
Avis peu digne
de qui lui prêtait l’oreille et que d’Andelot, cependant, eût, se peut, fini
par suivre, comme je crois, tant il était hors de lui de voir lui échapper ces
dépouilles d’honneur et de profit dont il s’était prévalu en son imagination
pour n’avoir point vu sur le champ de bataille que Sigogne et sa cornette
étaient jà ès mains d’un autre. Et se peut qu’il y eût eu un brin d’artifice en
cet aveuglement, pour ce qu’il était véritablement bien malaisé de me prendre
pour un gentilhomme de Sigogne, alors que je ne portais pas la casaque
guisarde.
Quoi qu’il en
soit de ce qui s’était passé alors dans le secret de ses mérangeoises,
d’Andelot fut empêché dans le présent prédicament d’user de force contre un
compagnon d’armes blessé, pour ce qu’au moment où il balançait visiblement à le
faire, irrompa dans la chambre une bonne quinzaine d’arquebusiers de M. de
Rosny, lesquels, armés et cuirassés, entourèrent immédiatement la coite de leur
chef sans dire mot, mais jetant des regards de nargue et de défi aux gens de
pié de d’Andelot.
— Eh
bien ! Eh bien ! Monsieur de Rosny ! dit d’Andelot qui perdit
quelque couleur à se voir ainsi affronté, puisque vous voilà navré, et ne
pouvez répondre de votre différend avec moi, nous en reparlerons une autre
fois.
Ce qu’il ne
put faire, MM. de Thorigny et Larchant ayant témoigné pour Rosny et le roi
apazimant d’un mot le débat, comme il savait si bien faire, caressant l’un et
caressant l’autre, comme on fait de deux chiens querelleux qui se disputent un
os : spectacle qu’à la réflexion je trouvai quelque peu indigne des deux
et qui porte à mon sens témoignage que dans la guerre s’encontrent tout
ensemble du très grand et du très petit dans le déportement de l’homme.
— Moussu,
me dit Miroul dès que je fus le lendemain désommeillé, et d’un ton vif et
pressant, comme si le pensement l’en avait toute la nuit tabusté, vous ne
pouvez demeurer avec un seul page. Il vous faut en trouver un second.
— Pourquoi
tant de hâtiveté ? dis-je avec un sourire, entendant bien où le bât
blessait mon Miroul. Il n’y a pas péril en la demeure ! En outre, où
trouver page en Anet ?
— Justement,
dit Miroul, il ne manque pas, en Anet, de pages inoccupés, leurs maîtres ayant
été occis en la bataille.
— Mais où
est l’urgence ? dis-je d’un ton tout innocent. Ne peux-tu attendre que je
sois rebiscoulé de ma navrure ? Et ne faudrait-il pas de prime remplacer
les arquebusiers ?
— Moussu,
dit Miroul baissant ses yeux vairons, il faut un compagnon à Nicolas pour le revigorer
tout à plein. Il est mauvais qu’un page s’apparesse en malenconie, et pis
encore, qu’il s’acagnarde en chambre, comme il a fait hier, où il n’a quasi pas
quitté votre chevet, se faisant cajoler et consoler par vous comme un
enfantelet par sa mère. Cornedebœuf ! si les choses continuent ce train,
Nicolas se va corrompre tout de gob, s’apenser un grand favori et devenir
ingouvernable. Vramy, Moussu, bientôt je ne répondrai plus de lui !
— Mon
Miroul, dis-je, ne faut-il pas, pourtant, laisser un peu la bride aux humaines
affections ? Quel mal y a-t-il à conforter Nicolas de son dol, ses années
étant si vertes ?
— Moussu,
dit Miroul avec gravité, le mal qu’il y a, c’est qu’au lieu d’avoir un alerte
page de guerre, rompu au plein air et aux exercitations, courant la commission
pour son maître et vaillant au combat, nous finirons par n’avoir plus qu’un
languissant page de ruelle, pleurant, pâmant et gémissant, et bien plus apte à
tenir le miroir d’une dame qui se pimploche qu’à manier la pique et l’estoc.
— Quoi ?
dis-je, levant
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