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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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qui s’avançait vers lui. Car ce
cortège n’avait point été laissé au hasard, mais arrangé, bien au rebours, avec
un art fort labouré.
    Belle lectrice,
qui en votre cabinet, demi-vêtue, vous pimplochez (spectacle dont je suis
raffolé) vos chambrières autour de vous affairées, qui à vous tenir le miroir,
qui à vous testonner le cheveu, qui à vous passer la céruse et le rouge, qui à
disposer vos attifures, qui à chausser votre pied mignon, bref, toutes occupées
à fourbir les armes dont vous allez tantôt navrer nos tant faibles cœurs –
peu pensez-vous sans doute qu’un grand capitaine de guerre, à son roi revenant,
puisse avec vous rivaliser en art, en fard et en coquetteries. Et cependant,
jugez !
    Premièrement,
en tête de ce cortège, marchaient deux des plus grands et beaux chevaux de
Rosny, très harnachés, et menés à la main par deux palefreniers. Ensuite,
venaient ses deux pages, fort jolis droles, montés sur deux de ces grands
chevaux dont l’un, un coursier gris, montrait une estafilade en son épaule et
son flanc, provenant du même coup de lance qui avait navré le mollet de Rosny.
Le premier page était revêtu de la cuirasse dudit Rosny, laquelle était en
divers endroits fort cabossée et brandissait en sa main dextre la cornette
blanche de Mayenne. Le second portait le casque du héros au bout d’un fragment
de lance pour ce qu’il ne le pouvait mettre sur le chef, le fer en étant
fracassé et enfoncé.
    Après les deux
pages, venait le valet de chambre, lequel portait sur soi la casaque de Rosny,
quasi en loques, tant elle avait au combat souffert, et dans sa dextre, un
paquet où on avait lié et pieusement mis ensemble les estocs rompus, les
pistolets cassés et les panaches brisés du capitaine.
    Maignan
suivait, la tête bandée, le bras en écharpe. Après Maignan, la tête mêmement
bandée, moi-même, pour ce que de nécessité, je figurais en ce bel appareil, et
après moi, oyez et voyez !
    Sur la
litière, porté par quatre géantins arquebusiers, était étendu M. le baron de
Rosny, le chef soulevé d’un coussin pour qu’il pût voir qui le voyait. Il
n’était que pansements, au moins en ses parties visibles, c’est-à-dire bras et
tête, pour ce que le reste était couvert d’un drap, sur lequel on avait étendu
les casaques noires à croix de Lorraine d’argent de ses prisonniers, et les
trois casques d’yceux. Lesdits prisonniers, MM. de Sigogne, de Chanteloup et
d’Aufreville suivaient immédiatement la litière du héros (comme Vercingétorix
dut suivre le char triomphal de César, en marche vers le Capitole) non point
comme lui le pied sur le pavé et les mains enchaînées, mais bien au rebours,
montés honorablement sur des bidets et fort bien soignés, traités et nourris,
puisque nous allions en tirer rançon.
    Nos beaux
muguets de Cour estimeront, se peut, que la suite du cortège vaut tout juste la
peine d’être décrite, n’étant composée que d’une compagnie de gens de pié et de
deux compagnies d’arquebusiers à cheval, lesquels ayant été envoyés comme on
sait, en enfants perdus devant l’escadron de Sa Majesté, avaient laissé
sur le champ de bataille la moitié de leurs effectifs. Mais j’aime à imaginer
que leurs ombres, à défaut de leurs corps, étaient invisiblement présentes en
ce cortège afin que de s’atendrézir, elles aussi, sur le triomphe de leur
capitaine. Quant aux survivants qui pleuraient leurs compains disparus, Rosny
les conforta en disant que s’ils étaient fort diminués en nombre, ils
étaient, en revanche, grandement augmentés en gloire.
    Mais pour moi
qui aime à me faire des réflexions sur tout, je m’apensai, au moment où mon
Rosny prononçait ces paroles, que la gloire dont on décore les soldats morts
n’est utile qu’aux vifs, et parmi ceux-ci, en particulier, à leurs chefs.
    Ledit chef,
qui avait si joliment arrangé son propre triomphe, reçut, à l’entrant dans le
bourg, des ovations à l’infini de la part de ses sujets. Et bien mieux, quand
le roi s’approcha à la parfin de lui, Sa Majesté fut bonne assez pour démonter
de cheval, et l’accoler, et le couvrir devant sa Cour d’éloges magnifiques,
étant accoutumé d’être avec ses hommes de guerre aussi prodigue en compliments
que d’aucuns le sont avec les dames, y allant, pour me citer, non pas à la
cuiller, mais à la truelle.
    Cependant,
quand Rosny quit du roi, dès qu’il put se lever, le gouvernement

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