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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Miroul ?
    — Nenni !
Nenni ! Moussu ! dit Miroul d’un air merveilleusement réjoui, la
pointe, la cime, l’apogée de cette inouïe procession furent atteints, quand
elle encontra le carrosse de Mgr Cajetan, légat du pape, qui était advenu là
pour la saluer, sans que pourtant ledit Cajetan, qui est grand seigneur, et
italien, et n’aime pas l’odeur du bon peuple (ni se peut celle des moines)
consentît à en sortir, n’apparaissant qu’à la fenêtre dudit carrosse. En quoi
il fit bien, car Hamilton, pour l’honorer, ayant commandé une salve à ses
moines-soldats, le plus gros de ceux-là, qui se peut maniait moins bien le
mousquet que le cuiller, fut assez maladroit pour tuer roide l’aumônier du
légat et blesser une de ses gens. À quoi Mgr Rose dit tout haut qu’il avait
compassion, mais que l’aumônier, à bien l’examiner, était mort dans une action
sainte pour une sainte cause.
    — Amen,
dit Pissebœuf, lequel, imité par Poussevent, se prit à rire à ventre
déboutonné, tant l’idée que les moines puissent mettre leurs mains molles au
noble métier des armes ébaudissait nos deux arquebusiers. Mais, quant à moi,
m’étant réfléchi un petit sur cette étrange procession, je ne souris que de la
moitié du bec. Quoi observant, Miroul me dit :
    — Quoi,
Moussu, n’avez-vous pas aimé mon conte ? Ne vous a-t-il pas réjoui ?
    — Si
fait, dis-je, gravement assez. Je l’ai aimé pour le risible et le ridiculeux de
la chose. Mais il ne m’a pas réjoui, bien le rebours.
    — Hé,
Moussu, pourquoi donc ?
    — Pour ce
que je m’apense qu’un peuple, aussi furieusement trempé et martelé par son
clergé, fera un acier bien dur, et ne se laissera pas casser aisément par la
famine. D’où j’augure que le siège sera long et que bien des Français naturels
y laisseront leurs bottes.
     
     
    Cette
expression « laisser ses bottes » est parler de Parisien, voulant
dire « mourir » en leur parladure. Et combien de fois l’ai-je ouïe en
les quatre mois qui suivirent, et dans ma rue même, et dans mon quartier des
Filles-Dieu je ne saurais, hélas, en faire le compte, tant ce fut prou.
    Dans les trois
semaines qui suivirent la procession des moines boutefeux je commandai à
Pissebœuf, Poussevent et Miroul de se rendre chaque jour séparément en
différents marchés de la ville et d’y faire autant provisions de vivres qu’ils
le pourraient sans du tout considérer les prix. Et tout de gob, n’attendant pas
que lesdits vivres vinssent à manquer, j’entrepris de nous rationner tous quatre,
ce qui nous fut à quelque incommodité, surtout à Poussevent (dont la large
gueule était plus friande de mets que la cervelle de savoir) et à Pissebœuf, à
peine moins, tout maigre qu’il fût. Quant à mon vif, fluet et élégant Miroul,
il ne bâfrait ni à tas ni longtemps, ayant peu de goût à rester le ventre à
table, une fois la première faim apaisée, et ne faisant pas plus grand cas que
moi d’attendre la seconde, ni la troisième, ni les autres suivantes. Tant est
que, calculant à quelque temps de là nos réserves, je vis qu’à les bien
ménager, nous en aurions à quatre personnes pour six mois au moins. Ce qui me
mit l’esprit en repos, ne m’apensant pas que le siège pût se prolonger plus
longtemps.
    Cependant,
pour donner quelque couleur à ma présence en Paris, j’allai visiter les
marchands dont la belle drapière m’avait baillé les noms, et je les trouvai de
prime apparemment rebelutes à acheter mes étoffes, craignant, disaient-ils, de
ne les point vendre, jérémiant à l’infini sur la ruine de tout commerce en la
ville (hors celui des vivres où se gagnaient des fortunes) et partant sur la
leur propre, étant jà quasiment sur la paille. Mais c’est là, comme on sait,
jargon de gens d’argent, qui au moindre revers, huchent à cœur fendre qu’ils
n’ont plus chemise en leur coffre, ni chair salée en leur lardier. Ce que je
décroyais, car au bout de ces plaintes, au lieu que de me donner mon congé, je
les voyais dépriser mes étoffes et barguigner âprement mes prix. Ce qui me
donna à penser qu’ils voulaient se refaire quelques réserves de laine, de soie
et de cotonnade dans l’idée que, le siège fini, elles seraient tant renchéries
par la rareté qu’il y aurait grand profit à la revente.
    Quant à moi,
étant fort insoucieux de conclure, ou de ne conclure point, je fus si âpre barguigneur
en ces bargouins

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