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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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que
l’Église allait faire une grande revue de ses moines, clercs et moinillons, j’y
courus, fort friand et curieux de ce spectacle, et me glissant parmi le grand
concours de peuple qui s’y pressait, je m’enrichis de l’œil et de l’oreille
pour le restant de ma mortelle vie. Ha ! Moussu ! Que nous avons de
moines en ce Paris ! Et quelles légions d’intercesseurs auprès du divin
maître ! Robés de tant de frocs, livrées et façons que j’en suis encore
ébloui, car j’ai vu ce jour d’hui, mis ensemble, des moines blancs, des moines
gris, des moines marron, des moines noirs, des moines bruns, que sais-je
encore, moutonnant et serpentant à l’infini dans les tues de Paris, tous gras
et luisants comme vers de terre en beau labour, sauf toutefois les feuillants
qui, ne mangeant que du pain et des « herbages », comme on dit céans,
sont pâles et maigrelets. Mais ce sont bien les seuls ! Car je n’ai rien
vu de plus replet, à tout dire, que les quatre ordres mendiants, lesquels ayant
fait vœu de pauvreté, vivent d’aumônes publiques et en vivent très bien !
Je ne saurais dire, à la vérité, à qui des quatre ordres les bonnes gens
donnent le plus, car touchant la vaste circuité de leur bedondaine, je ne vois
qui l’emporte, du dominicain sur le franciscain, ou de l’augustin sur le carme…
    — Vertudieu !
dit Pissebœuf, les feuillants, les dominicains, les franciscains, les
augustins, les carmes, combien d’ordres avons-nous donc en France ?
    — Bah !
Cela n’est rien, huguenot ! dit Miroul en se paonnant de son savoir, car
prient encore pour nous les capucins, les minimes, les chartreux, les
hiéronymites, les jésuites, et hélas, ce nœud de vipères des jacobins, d’où est
sorti Jacques Clément pour ramper jusqu’à Saint-Cloud et tuer notre roi.
    — Va !
Va, mon Miroul ! dis-je, sans te vouloir piquer, qu’y a-t-il de si
extraordinaire à ce que des moines processionnent, pieds nus, dans les boues
des rues ?
    — L’extraordinaire,
Moussu, dit Miroul en levant bien haut la crête, c’est que ce jour, ils étaient
armés.
    — Armés ?
    — Oui-da !
Armés ! Chacun avait sa robe vaillamment troussée pour marcher au pas, le
capuchon rabattu, et qui portant corselet sur son froc, qui arborant cuirasse,
qui coiffant son chef d’un casque ou d’un morion, et tous brandissant, en
marchant, des armes.
    — Quelles
armes ?
    — Ce que
les voisins, je suppose, leur avaient prêté. Car j’ai vu en leurs mains des
mousquets, des pistoles, des pistolets, des poitrinaires, des piques, des épées
et des dagues.
    — Le beau
cortège ! Avaient-ils du moins des capitaines et des sergents ?
    — Oui-da !
En tête comme commandant et premier capitaine, marchait, non pas pieds nus,
mais en bottes, Mgr Rose, évêque de Senlis, lequel n’a point le teint rose,
comme se pourrait croire, mais jaune safran, l’œil coléreux et impérieux, et la
bouche quelque peu torve du côté senestre. Celui-là portait d’une main un
crucifix et de l’autre une hallebarde.
    — Une
hallebarde ? Tu te gausses, Miroul !
    — Point
du tout. Tous les capitaines portaient tout ensemble croix et hallebarde,
lesquels capitaines étaient les prieurs et abbés des ordres devant lesquels ils
marchaient, fort acclamés par le bon peuple. Je n’ai point retenu leurs noms,
sauf celui de dom Bernard, prieur des chartreux. Quant au sergent qui mettait
de l’ordre dans les files, c’était Hamilton, le curé de Saint-Côme, de sa
nation écossais, lequel avant que de tourner curé, a dû être soldat, car il
rangeait fort bien les moines par quatre, courant de l’un à l’autre comme chien
de berger, huchant comme sergent en manœuvre et commandant à’steure aux files
de s’arrêter pour chanter des hymnes, à’steure de marcher derechef en
criant : À mort le bâtard Navarre ! En Seine les politiques ! Cris que le peuple reprenait à tant de noise et vacarme qu’ils vous auraient
débouché un sourd.
    — N’y
avait-il que des moines dans ce cortège ?
    — Non
point. Des clercs et des écoliers de Sorbonne les suivaient et même quelques
bourgeois zélés, lesquels, branlant le chef, disaient entre eux qu’à temps
nouveaux, nouvelles mœurs, et qu’il était temps, dans les dents du péril qui la
menaçait, que l’Église des prières devînt l’Église militante…
    — L’Église
militante, Ventre Saint-Antoine ! Est-ce là tout,

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