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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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j’admire la prudence de cette restriction. Mais
maugré toute votre présente réticence, n’êtes-vous pas, tout marchand drapier
que vous vous dites, une façon de diplomate ? ayant un passeport de mon
fils Nemours pour saillir hors des murs, et un passeport de Navarre pour y
rentrer ?
    — Madame,
dis-je, la face imperscrutable, il a bien fallu que j’aie les deux pour vous
envitailler !
    — Babillebahou ,
Monsieur ! reprit-elle en riant de plus belle, vous êtes plus profond
qu’il n’y paraît de prime ! Mais assez là-dessus : je ne voudrais pas
découdre, poursuivit-elle avec un charmant et connivent sourire, une bouche si
bien cousue. Mais me servir d’elle, toute cousue qu’elle soit, s’il plaît à
vous.
    — Madame,
dis-je avançant une patte, mais l’autre jà sur le recul, je serai votre très
dévoué, fidèle et secret serviteur dans les limites dont nous sommes convenus,
ne voulant, quant à moi, ni nuire ni affronter les deux partis en présence.
    — « Les
limites dont nous sommes convenus » est une expression en tous points
émerveillable ! dit-elle en riant, puisque ces limites, c’est vous qui les
avez fixées. Mais laissons cela, reprit-elle la mine grave, et le regard
attentif. Vous me pouvez servir en effet, Monsieur, et voici comment : J’ai
ouï dire que le chevalier d’Aumale, à la tombée du jour, sort de Paris sous une
déguisure, un faux nom et un passeport signé de sa main, passe la nuit à
Saint-Denis et rentre en nos murs le matin.
    — Et
Saint-Denis, dis-je, étant dans les mains de Navarre, vous voudriez savoir ce
que d’Aumale y fait ? Mais Madame, à supposer que M. d’Aumale y prenne
langue en secret avec le gouverneur de Saint-Denis, M. de Vic, pour lui ouvrir
une porte et lui livrer Paris par surprise, cela serait, à n’en pas douter, une
affaire d’État.
    — Cela le
serait, en effet, si c’était crédible, dit M me de Nemours, mais cela
ne se peut. D’Aumale est un archiligueux, un furieux et un sanguinaire. Il a
tué de sa main tant de bonnes gens du parti royaliste qu’il ne survivrait pas
une heure, s’il voulait s’y faire recevoir, même au prix d’une trahison.
    — Eh
bien, Madame, dis-je après un moment de silence, qu’il plaise à vous que je
vous laisse dans l’ignorance si je vais accepter, ou non, cette mission. De la
sorte, s’il s’agit d’un secret d’État, votre oreille n’en saura rien, laquelle
toutefois saura tout, s’il s’agit d’une affaire privée.
    — Monsieur,
dit M me de Nemours avec un connivent sourire, j’augure bien du
succès de votre mission, si vous l’entreprenez : vous êtes tant habile. De
quoi toutefois je me plains un peu. Car il y a loin de votre présente réticence
à l’élan qui vous jeta à mes genoux la dernière fois que je vous vis.
    — Madame,
dis-je, je m’y jetterais derechef, si je ne craignais de vous déplaire.
    — Mais
Monsieur, dit-elle avec une petite moue, c’est à vous d’en courir le
risque : êtes-vous si peu vaillant ?
    Voilà,
m’apensai-je, un demi-mot qui vaut bien un mot entier, et ma vaillance, puisque
ainsi elle l’appelait et à laquelle elle ne fit pas appel en vain, fut
récompensée, au moment où je fus à ses genoux, comme elle l’avait été de prime.
    — Monsieur,
dit-elle avec quelque tardive confusion, réelle ou contrefeinte, je ne saurais
dire, j’ignore à la vérité pourquoi je tolère ces façons chez vous, sinon
qu’elles m’amusent. Mais c’est assez, rendez-moi mes mains, poursuivit-elle
avec un délicieux sourire, avant que vous les ayez dévorées toutes.
Ensauvez-vous, je vous commande, et ne faillez à me venir fidèlement visiter,
comme vous me l’avez promis, et aussi à me servir, si du moins votre prudence
vous le permet.
    Mon pauvre
Miroul, de tout le chemin jusqu’à ma rue des Filles-Dieu, avait les joues
toutes gonflées de questions, sans pouvoir s’en décharger d’aucune en raison de
la roide barrière de mon œil. Mais advenus à la parfin au logis, bec à bec dans
le clos de ma chambre, je lui dis tout.
    — Moussu,
dit-il effaré, autant dire que vous voilà espionnant le chevalier d’Aumale pour
le compte de Nemours ! Autant dire aussi que si vous avisez M. de Vic des
escapades du chevalier en Saint-Denis, et si celui-ci est capturé ou occis par
les royalistes, les Nemours, mère et fils, ne peuvent qu’ils ne pensent qu’il
l’a été par votre intervention.
    — Se
peut,

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