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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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votre mauvaise dent contre la bure et la soutane
vous trouble les mérangeoises ! Vous inventez ce vilain bargouin des
moines !
    — Point
du tout ! Il est attesté par des dizaines de témoins. Et par Lisette
elle-même qui en tâta avant d’entrer en mon emploi.
    Et bien,
m’apensai-je, sut-elle faire la différence entre la peau de chat à quinze sols
et le bon pain à un écu la livre de mon cher L’Étoile, s’encontrant, après ses
vaches maigrissimes, nourrie, rondie et cajolée par le meilleur des maîtres.
Péché se peut (O Tempora ! O Mores ! dirait L’Étoile) mais en
mon opinion péché véniel, au regard de celui qui, sous le couvert du zèle religieux,
faisait mourir tout un peuple de faim, alors que le pays à l’alentour
regorgeait de blés.
     
     
    Le dimanche
12 août, personne, pas même L’Étoile, ne sachant où l’on en était des
fallacieuses négociations entre Mayenne et Navarre par le truchement des deux
chats-fourrés que l’on sait, j’allais ouïr le curé Boucher à Notre-Dame, dans
l’espérance que j’encontrerais, se peut, deux ou trois grains de vérité dans la
paille malodorante de son prêche. Mais pour tout pot et tout rôt, je trouvai le
bien-nommé Boucher pareil à son pire lui-même, bedondainant de corps et
rougeoyant de face, l’œil exorbité, toquant des deux poings sur le rebord de sa
chaire, éructant des milliasses d’injures contre Navarre et faisant retentir
les hautes voûtes de la cathédrale de ses hurlades sanguinaires. Mais de paix,
peu de mots sauf pour dire en passant que ce bouc puant de Béarnais n’en
voulait pas, entendant tout tuer : chanson que Boucher avait déjà chantée.
    En revanche,
il fit un conte que sur l’instant je décrus, mais qui me fut prouvé véritable
du bec même de la malheureuse chambrière qui en fut tout ensemble l’agente et
la survivante.
    — Le
lundi de la semaine écoulée, dit Boucher, l’air grave et baissant la voix pour
forcer l’attention, mourut une dame parisienne, après le décès de laquelle on
découvrit qu’elle avait mangé deux de ses enfants. Ceux-ci étant morts de faim,
elle les avait fait enserrer devant ses voisins dans deux petits cercueils,
mais tout aussitôt qu’elle se vit seule, elle les en ôta et les remplaça par des
sacs de sable, puis fit porter solennellement les cercueils en terre selon la
coutume et l’usance de notre Sainte Église catholique, apostolique et romaine
(ici Boucher se signa). Retournée au logis, la dame appela sa chambrière et lui
dit : « Ne me décèle pas, je te prie. La nécessité où tu vois que
nous sommes m’a fait garder ces deux corps pour qu’ils nous envitaillent.
Prends-les donc, et mets-les en pièces. Puis nous les salerons du reste de
notre sel, et tous les jours en mangerons un morceau au lieu que de
pain. »
    Ainsi fit la
chambrière, mais à l’usance, ce fut plus que le cœur de la pauvre mère put
supporter. Elle mourut, non point d’inanition, mais de honte et de chagrin. Et
ses héritiers, après son décès, fouillant son buffet pour y trouver provende,
ayant pour une fois davantage d’appétit à pain qu’à pécunes, furent grandement
ébahis d’y trouver en salaison une cuisse de ces enfantelets. Ayant alors
rappelé la chambrière (à qui ils avaient donné congé) pour quérir d’elle ce
qu’il en était, elle leur confessa tout de gob l’affaire.
    « J’entends
bien, poursuivit Boucher d’un air tout soudain doucereux, qu’il se trouve en
Paris des façons fort diverses d’interpréter cet infortuné incident. Car
d’aucuns en firent argument pour suggérer qu’on évite d’en venir à de telles et
si tristes extrémités, en traitant avec le Béarnais. Et à l’un de ces
chattemites – le président Brisson, pour ne le point nommer – qui
mettait en avant la nécessité qui pressait les Parisiens, Bussy-Leclerc, notre
gouverneur de la Bastille, fit cette fière réponse :
    « — Nécessité !
Vous parlez de nécessité ! C’est la couverture de tout que cette belle
nécessité ! Mais je vous dirai : je n’ai qu’un enfant. Eh bien,
plutôt que de céder à la nécessité et de me rendre au Béarnais, je le mangerais
plutôt à belles dents.
    « Mais
dira-t-on, poursuivit Boucher, il ne s’agit là que d’un homme dont bien se peut
que l’entraille soit moins douce et le cœur moins piteux que celui d’une mère.
Eh bien, oyez cette autre histoire que je tiens de source tout

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