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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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[30] . Mais l’instant où
Pissebœuf revint, portant un pichet et un gobelet, le corps étique du pauvre
pitchoune fut secoué de convulsions et il jeta les derniers sanglots.
    Je crus que la
mère qui, à cet instant, déclosait ses yeux creux, allait se laisser aller au
plus fol désespoir, mais elle n’en eut pas seulement la force, et envisagea son
enfant avec des yeux secs et une contenance si figée qu’on eût dit qu’elle
était elle-même à demi morte. Et dans l’effet, elle ne valait guère mieux. On
lui ôta son enfant des bras sans qu’elle opposât de résistance et elle but
docilement quelques gorgées de lait, mais aussitôt les raqua, et avec des
hoquets si forts que je crus qu’elle allait passer.
    Je commandai
alors à Héloïse, qui était accourue, d’étendre le lait de moitié d’eau et d’y
ajouter du miel, et administrai moi-même le mélange à la pauvrette à la becquée
avec un petit cuiller. Pour le coup, elle garda ce breuvage qui fut sa seule
nourriture jusqu’à la nuit. Après quoi, elle s’ensommeilla profondément. Au
matin, j’ordonnai à Héloïse d’émietter du pain dans ce lait coupé d’eau, ce qui
parut conforter prou la patiente, et retrouvant alors quelque connaissance,
elle réclama son fils et apprenant qu’il était mort la veille, dit ce seul
mot : « Hélas ! » mais sans verser une seule larme, étant,
en mon opinion, trop faible et trop prostrée pour ressentir encore son
pâtiment.
    Ne voulant pas
délayer l’enterrement en raison de la chaleur de ce mois d’août, je dépêchai
Pissebœuf commander un petit cercueil au menuisier de la rue des Filles-Dieu,
lequel toutefois ne le promit que pour le soir en raison des demandes dont il
était accablé. Ce qui m’aggrava prou, le cimetière des Saints-Innocents étant
si mal famé dès la tombée du jour. Je m’avisai alors qu’en ce pays chrétien, la
terre, même pour un petit mort, n’était pas gratuite, et qu’il fallait en payer
l’ouverture aux moines, auxquels ledit cimetière avait été concédé. Je leur
dépêchai Miroul qui revint me dire que ce serait deux écus, mais qu’il fallait
savoir de prime le nom du mort, et surtout s’il avait été baptisé.
    — Madame,
dis-je en pénétrant dans la chambre où Héloïse lui tenait compagnie ne l’ayant
pas quittée de la nuit (bonne et bénigne fille qu’elle était), si votre état
vous permet de parler, j’aimerais que vous me disiez votre nom, lequel m’est
nécessaire pour enterrer dignement votre enfantelet.
    À ces mots,
elle versa pour la prime fois des larmes, preuve qu’elle reprenait des forces
et avec elles, la capacité de souffrir.
    — Je me
nomme, dit-elle d’une voix ténue et détimbrée, mais cependant distincte, Doña
Clara Delfín de Lorca. Je suis veuve d’un capitaine de la suite de Bernardino
de Mendóza, tué il y a trois semaines dans l’attaque des faubourgs, et depuis
cette date, étant réputée bouche inutile par l’ambassade espagnole en Paris, je
n’ai pu obtenir pour mon enfant et moi-même le plus petit morceau de pain. J’ai
d’abord subsisté sur mes très maigres réserves, mais quand vous m’avez secourue,
Monsieur, il y avait trois jours que nous n’avions rien mangé.
    Ceci fut dit
sans amertume, mais avec une sorte de roideur qui m’étonna.
    — Madame,
dis-je, tout le monde céans pense que le siège est pour cesser bientôt, d’une
manière ou d’une autre. Et jusqu’à sa terminaison, je vous prie de considérer
que mon pain est le vôtre, et ce logis aussi.
    À quoi elle
fit un merci très faible et ferma les yeux, étant encore trop épuisée pour
supporter la fatigue d’un entretien.
    Les moines des
Saints-Innocents à qui Miroul courut dire ce que j’avais appris se jugèrent
assurés, au seul nom espagnol de la mère, que l’enfantelet ne pouvait être ni
barbaresque ni hérétique, et que la terre chrétienne des Saints-Innocents
pouvait donc s’ouvrir pour lui, sans se mettre au hasard d’être profanée par
ses petits os. En conséquence, ils voulurent bien accepter nos deux écus et
désignèrent à Miroul un emplacement où pour trente sols (dont je vis que les
moines lui retinrent le tiers) leur fossoyeur assermenté creusa, à peu de
profondeur, cette tombe si bien payée, mais à charge pour nous de repelleter la
terre dessus, une fois le cercueil enfoui.
    En revenant
des Innocents, je m’avisai de passer par la menuiserie où je vis un bien

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