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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dit-je tout rêveux, que les Nemours me gardent une mauvaise dent du
dépêchement de leur cousin. Mais se peut aussi qu’ils m’en sachent gré. Nemours
n’est de présent que le gouverneur de Paris. D’Aumale tué, il en commanderait
aussi les troupes. C’est là une belle avancée, et qui le mettrait quasi à
égalité avec son demi-frère Mayenne pour revendiquer le trône.
    — Moussu,
dit Miroul avec un petit brillement de son œil bleu, voilà qui est si
clairement raisonné que je doute fort que vous soyez autant amoureux de la
duchesse que vous le fûtes.
    — En quoi
tu erres, Miroul, dis-je avec un sourire. Je gage que M me de Nemours
n’est pour rien dans ces machiavéliens calculs que je viens de dire. Je crois
que c’est Nemours seul qui, par le naïf intermédiaire de sa mère, tâche d’user
de moi.
    — Adonc,
qu’allez-vous faire ?
    — Ce que
je vais faire est clair, mon Miroul. Mais quand ce sera fait, c’est ce que je
vais dire, et à quelle personne, qui ne l’est pas.
    — J’entends
bien, Moussu, que vous serez en grand doute de savoir à qui vous devrez
impartir vos connaissances sur l’activité de d’Aumale en Saint-Denis : À
M. de Vic ou à M me de Nemours ? Mais, Moussu, n’aurez-vous pas
alors pour vous guider l’intérêt du roi ?
    — Lequel,
toutefois, dis-je, est à peser dans de très fines balances. Se peut qu’il vaut
mieux pour le roi que le chevalier meure. Se peut aussi qu’il vaut mieux qu’il
vive, et que Nemours ne grandisse pas tant. Les troupes de Paris montent à
trente mille hommes, et Nemours est un bon capitaine, plus aimé et moins fol
que d’Aumale.
     
     
    Le soir de cet
entretien si ambigueux avec la duchesse de Nemours, oyant sur les cinq heures
du soir quelque noise en ma rue, je sortis sur mon seuil, où, pourtant, je ne
vis rien d’autre que le coutumier cortège de fantômes trébuchant qui-cy qui-là
sur le pavé, car c’est un fait que les mourants d’inanition en le siège de
Paris ne demeuraient mie chez eux, mais poussés par l’espérance de trouver
provende hors logis, faisaient leurs derniers pas chancelants avant que de
s’écrouler, la bouche ouverte dans un cri muet pour réclamer des viandes, et le
bras étendu et la paume déclose comme s’ils allaient saisir enfin le vivre que
personne, jusque-là, ne leur avait tendu.
    Je ne pus
acertainer du tout l’origine de la vacarme qui m’avait fait saillir sur mon
seuil, mais comme j’allais rentrer, attristé du spectacle si habituel de ces
spectres que je verrais le lendemain joncher ma rue, j’eus mon attention
attirée par une femme vêtue comme une demoiselle de qualité mais sans masque
sur le visage et sans suivante, laquelle portait dans ses bras un enfantelet
qui paraissait avoir trois ans, et si étique qu’on voyait les os de son petit
visage quasi percer la peau, laquelle femme, comme je l’envisageais, étant fort
étonné de voir une dame de ce rang cheminer dans la rue démasquée et sans
chambrière, ses yeux, lesquels étaient du bleu le plus profond, mais du fait de
la maigreur de sa face, fort enfoncés dans l’orbite, croisèrent les miens, y
lisant, je suppose, beaucoup de compassion, pour elle-même et pour son fardeau,
tant est qu’elle se dirigea à pas incertains vers moi, et d’une voix très ténue
et très faible, me demanda du pain pour son fils. Je fus béant d’ouïr cette
requête de la bouche d’une dame de cette distinction, et articulée comme elle
le fut, non pas du tout humblement, mais avec une sorte de dignité désespérée.
    — Madame,
dis-je, lui prenant le bras, car elle trébuchait, étant elle-même au bout de
ses forces, entrez, je vous prie, en mon logis, je donnerai non du pain, mais
du lait, à votre enfant.
    — Monsieur,
dit-elle, s’affaissant quasiment sur ma poitrine, tant est qu’appelant Miroul
et Pissebœuf, je la fis porter dans ma chambre sur mon lit, pâmée plus qu’à
demi, mais conservant toutefois assez de conscience pour enserrer son enfant
dedans ses maigres bras.
    J’ordonnai à
Pissebœuf d’aller me quérir dans nos réserves du lait, lequel lait il avait
troqué la veille contre chair salée, à un vacher qui, avec ses trois frères,
tous quatre remparés et armés jusqu’aux dents, faisaient paître leurs bêtes
dans l’île aux Vaches – grande île en amont de l’île de la Cité – que
Charles IX eût voulu coudre à l’île Louvier pour n’en faire qu’une seule

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