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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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à fait
certaine : Une certaine demoiselle de bon lieu ayant été visiter M me de Nemours (Belle lectrice, bien devinez-vous que je dressai l’oreille à ouïr
ce nom dans la bouche de ce scélérat), lui fit des plaintes infinies sur la nécessité (Boucher articula ce mot avec un grand déprisement) où se
trouvait Paris, laquelle était telle, et si grande, et si énorme que, si l’on
n’y donnait remède, il y aurait danger que les mères fussent contraintes à tuer
leurs enfants pour les manger. Auquel discours M me de Nemours fit
tout à trac cette belle réponse : « Et quand même vous seriez réduite
pour défendre la Sainte Religion, à tuer vos enfants, pensez-vous que cela
tirerait à si grande conséquence ? De quoi sont faits vos enfants, non
plus que ceux de tous les autres : de boue et de crachat ! Ma foi,
voilà une belle matière pour en plaindre tant la façon !» »
    Oyant quoi, je
faillis, enivré de male rage, me lever de mon banc, et crier à cet archiméchant
qu’il en avait menti, que la bonne duchesse de Nemours n’aurait pu en aucun cas
articuler ces paroles infâmes ; qu’il les avait inventées en rescous de sa
thèse inhumaine ; et que j’allais les lui faire rentrer dans la gargamel,
s’il ne les dédisait pas. Et j’eusse, se peut, cédé à la folie de cet emportement
si Miroul ne m’avait d’un geste prompt, placé la main sur l’avant-bras et
glissé dans l’oreille :
    — Cave
canem. Lupis ipse canem metuit [29] .
    En quoi,
assurément, il avait raison, pour ce que si j’avais osé ouvrir le bec, le
Boucher m’aurait tout de gob dénoncé comme politique à ses ouailles,
lesquelles m’eussent incontinent traîné sur le parvis pour me mettre en pièces,
comme cela, hélas, s’était produit peu de temps auparavant pour un malheureux
qui avait osé rire au sermon. Tant fols et fanatiques étaient alors les
Français devenus, sous l’effet des prêches frénétiques dont ils étaient
nourris.
    Je me rongeais
les poings jusqu’à la fin de cette insufférable harangue, et la messe à peine
finie, courus, suivi de Miroul, qui sur mes talons perdait vent et haleine,
chez M me de Nemours, laquelle, tout étonnée qu’elle fût que je lui
rendisse visite un matin, et qui plus est un dimanche, voulut bien me recevoir
en son cabinet, entourée de ses femmes, et me commanda de prime, de m’asseoir
sur un tabouret à ses pieds et de m’accoiser, le temps que l’on finirait de la
pimplocher et de lui testonner les cheveux, ces opérations retenant toute son
attention.
    La duchesse,
qui venait de se lever, était vêtue, ou plutôt dévêtue, d’une longue robe de
nuit de couleur mauve, laquelle était fort décolletée et montrait partie de ses
tétins, auxquels, tout respectueux que je fusse, je ne faillis pas de jeter un
œil, assez en tous les cas pour m’assurer que l’âge ne les avait pas défaillis,
et que le corps qui, sous cette robe mauve (couleur qui allait si bien à la
douceur de ses traits) se laissait deviner, gardait l’activité et la vivacité
de la jeunesse. Cependant, je n’osais espincher M me de Nemours trop
ouvertement quant à ces parties que je dis, pour ce que je voyais bien qu’elle
me lançait quand et quand des petits regards, non point directement, mais par
l’intermédiaire du miroir que lui tendait une servante, et dont elle avait
corrigé d’une main prompte et légère l’inclinaison, afin que de m’avoir tout à
plein dans son champ. Pour moi, je me trouvai ravi de cette infinie coquetterie
féminine qui, même chez une duchesse, ne faisait pas fi de l’admiration d’un
marchand drapier. Et sans m’aventurer à trop envisager ce que sa robe mauve me
laissait deviner de sa charnure (ce qui eût pu, à la longue, l’affronter) je me
contentais de laisser errer mes yeux éblouis sur son visage, le plus fin, le
plus doux, le plus beau de l’univers, ainsi que sur le long flot ondulant et
soyeux de ses cheveux de neige qu’une jeune chambrière, elle-même fort accorte,
brossait avec une lenteur, une amour, j’oserais même dire, une adoration que
j’y aurais mises moi-même, si la duchesse m’en avait confié le soin.
    Les trois
chambrières qui entouraient M me de Nemours étaient toutes trois tant
fraîchelettes que plaisantes, mais contrairement à mon invétéré us qui, dès
qu’un joli minois apparaît, où que ce soit, fût-ce à messe, me porte à béer
devant lui et à y ficher l’œil, je ne jetai

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