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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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savez bien que ces gueux de Guise
s’entrehaïssent encore plus que nous les détestons. Je me permets de dire ceci,
ajouta Miroul avec un sourire fort malicieux, pour ce que M lle de
Nemours n’est pas née Guise, mais d’Este. Cependant, elle n’est point manchote
non plus en intrigue.
    À cette
remarque je restai autant muet que sourd. Miroul m’ayant toutefois convaincu,
je repassai dans la grande salle et dis tout de gob à Franz ce qu’il en était
de la mission que M me de Nemours m’avait confiée.
    — Et moi,
comment l’aurais-je su ? dit Franz.
    — Par
l’on-dit d’une chambrière de M me de Nemours à qui tu aurais donné le
bel œil.
    — Monsieur,
dit Franz, sa face carrée reluisant de vertu, je ne baille le bel œil qu’à ma liebchen.
    — Aussi
ne sera-t-il pas nécessaire que tu le bailles à ladite chambrière dans la
réalité des choses. Mais que tu dises que tu l’as baillé.
    — C’est
mentir, dit Franz.
    — Mentir
vaut mieux qu’occire. Me voudrais-tu daguer sur l’ordre de ta maîtresse ?
     
     
    À neuf heures,
après que nous eûmes dîné, et désespérions quasiment de le voir, advint le
menuisier, suivi de cinq de ses compagnons tous armés, encore que de bric et de
broc, le menuisier lui-même portant pique, cuirasse et pistolet à la
ceinture – et sous le bras, quasi comme un jouet, le petit cercueil qu’il
déposa à l’entrant sur la table à manger en nous requérant d’admirer que
c’était là ouvrage bien faite, bien chevillée et bien polie, tant peu de temps
qu’on lui eût laissé pour la faire.
    Avec des
gestes doux et quasi maternels, Héloïse déposa le pauvret dedans avec des
larmes et eût voulu désommeiller Doña Clara pour qu’elle jetât un dernier coup
d’œil à son enfantelet avant qu’il départît d’elle, mais je lui ordonnai de
n’en rien faire, craignant que l’émeuvement de la mère fût trop fort pour son
faible cœur. Incontinent que le pitchoune qui se prénommait Alfonso fut enclos
entre ces quatre planches, Miroul, Pissebœuf et Poussevent et moi-même nous
nous armâmes en guerre, le menuisier fort ébahi de nos belles armes et posant
des questions si embarrassantes que je décidai de donner de l’occupation à sa
langue en faisant déboucher par Poussevent deux flacons de bon vin, et en
faisant passer de l’un à l’autre des gobelets. J’y ajoutai du pain, me doutant
bien que les compagnons du menuisier n’étaient point par lui aussi bien nourris
que mes gens.
    Je fis bien,
pour ce que de pâles et quasi trémulants que je les avais vus à l’entrant, ils
devinrent, étant revigorés par le pain, le vin et la convivialité, quasi autant
gaillards que nos deux arquebusiers, lesquels, quant à eux, se sentaient quasi
renaître à la pensée d’en découdre. Et moi, me ramentevant comment Sauveterre
et mon père y étaient allés de leur harangue avant les petits combats en
Périgord auxquels ils avaient mené nos gens, je tâchai de ranimer plus avant
leur courage en en faisant un éloge prématuré, et en les faisant reluire de
toute la piaffe qu’ils pourraient tirer auprès de leurs voisins de rue, d’avoir
osé seuls, en Paris, mettre le pied la nuit dans le cimetière des
Saints-Innocents.
    — Vous
n’y encontrerez, dis-je avec force, ni spectres, ni démons, mais se peut des
lansquenets dont on dit qu’ils y font rôtir des enfantelets. N’ayez cure de les
craindre, mes amis : ils sont tant couards que cruels, mais que ceux
d’entre vous qui ont des bâtons à feu se gardent bien de muser, s’ils les
voient appuyer leurs mousquets sur leurs estomacs, car c’est ainsi qu’ils sont
accoutumés à tirer, sans mettre en joue comme nous faisons, ce qui leur donne
l’avantage de la surprise, de la rapidité, mais non de la précision.
    — Mais,
dit le menuisier, le recul de l’arme ne leur navre-t-il par prou l’estomac,
quand ils tirent ?
    — Non
point, pour ce que leur estomac, à l’usage, s’est caparaçonné de muscles. Que
si donc vous les voyez appuyer leur mousquet comme je dis, tirez de prime, ou
mettez-vous derrière une tombe et n’en saillez qu’ils n’aient lâché leur coup.
    — Monsieur,
dit le menuisier, il ne se peut que vous ayez servi dans les armées du
roi : vous êtes si connaissant.
    — J’y
fus, dis-je, quelques années en mes jours verdoyants, m’étant querellé avec mon
pauvre père, mais étant revenu au logis, il voulut bien me pardonner et

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