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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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me
laisser sa boutique et commerce, lesquels, mon compère, je mets bien au-dessus
du métier de soldat pour ce qu’on y prospère sans tant risquer.
    — Voilà
qui est chié chanté ! dit le menuisier. J’ai toujours opiné, poursuivit-il
en se tournant vers ses compagnons, et j’opine toujours, à l’adresse de ceux
qui, non contents de leur quotidienne pitance, rêvent plaies et bosses, qu’il
vaut mieux avoir bosse en son escarcelle que plaie à sa membrature. Toutefois,
conclut-il en se redressant, il est bon de prouver quand et quand qu’on est un
homme, afin que d’y puiser gloire auprès des garces et des voisins.
    Lorsque je me
ramentois, à ce jour où j’écris, cette expédition, je me dois à moi-même avouer
et au lecteur confesser, que s’il est bien vrai, comme je l’ai dit, que la
règle des meilleurs maîtres de la médecine veut qu’un mort soit enterré au plus
tard une nuit et un jour après son décès, en raison des risques d’infection et
même de peste qu’une longue présence du corps putréfiant ferait courir au
logis, j’étais mû mêmement tant par un besoin invétéré d’action que par
l’appétit à voir de mes yeux ce qu’il en était de ces contes effrayants que
l’on faisait sur le cimetière des Saints-Innocents la nuit. Car le jour,
c’était un lieu paisible, planté de quelques arbres, et parcouru de sentiers
herbeux entre les tombes sinuant, où d’aucuns même aimaient se promener avec
l’assentiment du moine qui gardait la porte et qui la gardait inutilement, car
en plus d’un endroit, la muraille qui circonscrivait le cimetière était à demi
écroulée et des enfants même l’eussent pu franchir.
    Toutefois,
ledit portier, cette nuit même, fit de grandissimes difficultés à nous bailler
l’entrant, nous disant que lui-même, armé de son crucifix, n’oserait mettre le
pied en l’enclos, tant la nuit il s’y perpétrait d’horreurs. Et moi voyant que
ses paroles risquaient d’ébranler la neuve vaillance des compagnons menuisiers,
et sentant bien que sa résistance et ce refus ne tendaient qu’à un but, je lui
graissai la paume de quelques sols : graisse qui fit tourner l’huis sur
ses gonds le temps de dire Amen.
    À vrai dire,
le cimetière, quoique obscur et sans lune (celle-ci étant pleine, mais sous de
gros nuages se cachant) et éclairé de nos seules lanternes, nous parut, aux
premiers pas que nous y fîmes, quasiment aussi innocent que les saints dont il
portait le nom. Et Miroul ayant trouvé l’emplacement de la tombe par le
fossoyeur creusée, le menuisier lequel, lecteur, s’appelait Tronson (ce qui fit
dire à Miroul sotto voce  : si ce n’était là qu’un tronçon, que
devait être le tronc ?) se déchargea du petit cercueil qu’il avait porté
comme plume sur son épaule, et mettant un genou à terre, le plaça de ses
grosses mains, mais non sans quelque délicatesse et dévotion de geste, dans le
creux de la terre.
    — Benoîte
Vierge ! dit-il en se relevant et en se frappant le front du poing :
Monsieur, qu’allions-nous faire ? Nous ne pouvons laisser départir ce
frère nôtre, tant petit qu’il est, sans les prières d’usance ! Il faut
quérir le moine !
    — Il ne
voudra point venir ! dit un des compagnons menuisiers, lequel jà se
paonnait prou d’avoir osé pousser jusque-là. Rien qu’au pensement de se trouver
céans, il chiera dans sa bure !
    — Si le
crois-je ! dit Tronson. À force de vivre sans femme, ces moines sont tout
à plein escouillés. C’est un fait que les bourses grossissent par le
dégorgement et se vident par le défaut d’usance. Après quoi, que voit-on ?
La vaillance enallée, et la bure devenue cotillon.
    — Maître
menuisier, dis-je, voilà qui est chié chanté ! (expression dont je lui fis
compliment, puisqu’il en usait prou). Mais à défaut de bourse, une escarcelle
fera merveille. J’y vais, et gage vous le ramener en un battement de cil.
    Ce que je fis
en effet, et jamais prières, lecteur, ne furent plus bredi-bredouillées que
celles-là, tant le moine avait hâte de s’en retourner au logis, se sentant dans
ce cimetière, la nuit, comme un escargot sans sa coquille. Miroul lui tenant la
lanterne haute tandis qu’il paternostait avec une célérité incrédible,
j’observai qu’il n’était ni vieil ni laid, mais la face quasi écrasée comme
celle d’un lapin, le bout du nez agité par ses oraisons en même temps que ses
lèvres, et

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