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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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épouvanté, me tirant tout soudain de ma torpeur et redonnant
force et couleur à ma résolution naturelle, j’envisageai Tronson œil à œil et
lui dis tout de gob, à voix basse, mais nette, qu’ayant rempli son rollet qui
n’était que de mettre en terre le fils de Doña Clara, il était libre de se
retirer avec ses compagnons menuisiers. Quant à moi, j’étais tout à plein
décidé à ne pas tolérer que se perpétrât, quasiment sous mes yeux, un acte si
cruel, mais à y mettre fin, s’il le fallait, par la mort des perpétrants.
    — Monsieur,
dit Tronson, ils sont six, à ce que vous avez vu. Vous ne serez que quatre. Je
viens donc avec vous, sans contraindre toutefois mes compagnons à me suivre,
s’ils décident de demeurer céans.
    — Monsieur
mon maître, dit Guillaume promptement, la main sur le bras musculeux de
Tronson, et non sans quelque émeuvement dans sa voix, pour moi, je vous
suivrai, tant pour rétablir à plein l’égalité du nombre que pour l’amitié de
vous, qui m’avez nourri, quand j’étais désoccupé.
    À quoi les
autres, d’une seule voix, dirent qu’ils viendraient aussi, ayant pesé, à ce que
je crois, les deux peurs en leur for, et ayant trouvé que celle de rester
seuls, sans chef et déshontés, pesait plus lourd que celle de suivre leur
maître. Tant il est vrai que vaillance de soldat n’est jamais que vergogne, et
celle-ci une sorte de couardise encore, mais tenue partout comme honorable.
    Je me mis
alors à quelque peine pour expliquer à ma troupe qu’il fallait advenir sur les
lieux sans noise aucune pour avoir le profit de la surprise, se bien déployer
pour non point se tirer les uns sur les autres, bien abriter soi derrière les
tombes, attendre le premier coup de feu soit de moi, soit de l’ennemi, avant
que de tirer, ne point tirer bredin-bredac, mais en prenant quelque visée,
préparer à côté de soi son arme blanche à nu pour s’en saisir si l’ennemi
attentait le corps à corps, ne point branler surtout sans mon commandement.
    Ayant dit, je
divisai mes gens en trois groupes, l’un que j’avais le propos de placer au
centre, composé de Miroul, de Tronson, de Guillaume et de moi. Le second, qui
serait mon aile dextre, comptant Pissebœuf et deux compagnons menuisiers. Le
troisième qui ferait mon aile senestre, avec les deux autres et Poussevent. Mes
deux arquebusiers, dont je louai très haut l’expérience pour conforter mes
fraîches et plus incertaines recrues, leur furent au surplus baillés comme
capitaines.
    Le miracle,
c’est que cela se fit à peu près sur le terrain comme dans mon discours, sauf
pour la noise, laquelle fut forte assez, mais à ce que je vis, ne troubla guère
les lansquenets, pour ce qu’ils étaient ivres comme des lords anglais, et au
surplus chantant, vociférant et fort animés à leur infâme besogne. Je laissai
un assez long temps aux miens pour se mettre en place, ne faisant que les
deviner confusément parmi les tombes, encore que la lune fût tout à plein
dévoilée et fort claire, employant ce temps à ruminer les bribes d’allemand que
j’avais apprises aux armées pour ce que je voulais m’adresser à ces gens dans
leur langue.
    Le cœur me
toquant fort et les gambes trémulant sous moi, comme toujours dans le prime du
péril, je me dressai à la parfin bien à découvert sur une tombe et criai d’une
voix forte :
    —  Meine Herren, geht euch Weg und so fort !
    Ils m’ouïrent,
et se retournèrent, et furent bec bée à me voir debout sous la lune sur ladite
dalle, armé en guerre de cap à pié, l’estoc au côté et tenant à chaque main un
pistolet. Tel, et si grand, fut alors leur étonnement qu’ils s’accoisèrent,
tandis que la vision que j’eus de leur effroi raffermissait tout soudain mes
gambes.
    — Wer
da ? dit soudain l’un d’eux.
    —  Ein
Hauptman Nemours [31] dis-je d’une voix menaçante, und seine Truppe .
    S’ils
n’avaient point été si saoulés de leur vin, ni si appétant à leur abominable
rôt, dont l’odeur jusqu’à nous parvenait, ils eussent fui je gage, par la
partie écroulée du mur, qui leur avait baillé l’entrant, mais la male rage de
faim les tenaillait trop. Il leur sembla, en leurs confuses cervelles, que je
venais leur rober leur pitance et sans prononcer un mot, mais grondant comme
chiens dévorants à qui on dispute un os, ils se jetèrent sur leurs arquebuses
et nous firent face, l’arme appuyée au creux de leur estomac. Je

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