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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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qui m’exagitaient en ce début de 1591 où j’allais entrer dans ma
quarantième année.
    Je sais bien
que cet âge effraye et les hommes et les femmes, les premiers, passé cette
borne, renonçant quasiment à aimer et les secondes, assez souvent, à plaire.
Telle n’était pas alors ma personnelle déquiétude, Mon corps, la Dieu merci,
est aussi robustueux, mon entendement aussi vif et je ne vois pas que mon âme
ait perdu d’un pouce, d’un liard, ou d’un degré, sa capacité d’émeuvement. Je
dirais davantage et que je me tiendrais pour une personne assez basse de poil
et fort peu estimable, si je renonçais à l’amour avant qu’elle renonçât à moi.
    Mais depuis
mon retour du Chêne Rogneux, me poignaient à nouveau mes doutes touchant
Angelina, pour ce qu’en décembre, j’avais reçu d’elle un mot me disant qu’elle
était grosse, et qu’elle attendait un enfantelet pour le mois de mai
1591 : nouvelle qui eût résolu à jamais mes dubitations concernant son
identité et m’eût, à la vérité, comblé de joie, si le billet avait été écrit de
sa main. Hélas, il ne l’était pas, tout au rebours de la formelle promesse
qu’elle m’avait faite à mon départir, mais de la main de Florine, et sans
qu’une seule phrase expliquât pourquoi. Ainsi sa grossesse m’apportait une
preuve de son identité, laquelle était, dans le même temps, démentie par la
lettre qui me l’avait mandée.
    Belle
lectrice, dont je voudrais à moi intéresser le cœur, ne trouvez-vous pas
excessivement cruel que maugré tant d’efforts dépensés en vain, j’en fusse
encore réduit à ignorer qui était, dans la réalité des choses, la femme que
j’aimais, ni même si dans ce doute je la pouvais chérir encore. Or, peut-être
savez-vous, de par votre expérience, combien il est malaisé de s’attacher à une
amitié nouvelle, alors qu’on ne sait même point si l’on est de l’ancienne
détaché ou, qui pis est, si on a des raisons de l’être. Je me suis souvent
apensé, quant à moi, que le royaume de l’amour était le plus souvent le royaume
de la confusion. Car pourvu qu’on ait l’esprit clair, il est toujours facile de
savoir ce qu’on pense, mais savoir ce qu’on sent, quand il s’agit d’aimer, ou
de ne plus aimer, ou d’aimer derechef, est pour soi-même une imperscrutable
énigme.
    J’avais rebuté
Héloïse par jaleuseté d’avoir à la partager, et Lisette, par fidélité à
L’Étoile. Petits sacrifices, l’appétit étant seul en cause. Non que je veuille
affecter de n’accorder point à cet appétit-là autant d’importance qu’à celui
qui nous maintient en vie, n’ayant jamais, pour moi, fait profession de cette
chattemitesse philosophie, et opinant, bien au rebours, que famine de
mignonneries ne vaut guère mieux, à la longue, que disette de pain. J’oserais
dire qu’on en meurt moins vite, et que c’est là la seule différence.
    Mais enfin
Doña Clara me posait un problème malcommode, pour ce qu’elle était une haute
dame, et fort belle, et savante, et de beaucoup d’esprit, et animée d’une si
grande générosité de cœur que, se donnant, elle ne pouvait qu’elle ne se donnât
toute, attendant, en retour, pas moins de moi, qui ne pouvais cependant songer
à m’engager si avant, ni si profond, ni en si irrévocable guise, alors que je
n’étais point désengagé de mon Angelina. Raison pour quoi, comme avait si bien
observé déjà mon Miroul, je n’y allais que d’une fesse, un pied déjà sur le
recul, contrefeignant de ne pas apercevoir que Doña Clara dépassait avec
moi – le voulant, le noulant – le seuil de l’amitié, ce que son bel
œil d’un bleu profond, bordé de cils noirs, m’avait dit plus d’une fois. Quant
à ma déguisure en marchand, là n’étaient pas la traverse ni l’encombre. Vivant
dans mon quotidien, possédant un tel usage du monde, et en outre entendant,
étant espagnole, l’oc de mes gens, elle l’avait incontinent percée, sans m’en
rien dire, ayant reçu en partage tant de quant-à-soi et de hautesse castillane.
     
     
    — Moussu,
me dit Miroul, quand il revint de sa mission, jamais écu ne fut mieux placé par
juif ou Lombard qu’en ce Rapin. Oyez les nouvelles dont mes joues sont
gonflées ! Le chevalier d’Aumale, avant-hier soir, a reçu à souper les Seize, Rapin servant à table. Et en ce repas, fut exagitée, comme vous
l’aviez prévu, une expédition nocturne, et par surprise,

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