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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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cria-t-il, si tôt qu’il m’eut vu, Navarre est départi au diable
de Vauvert ! À la pique du jour, comme je montais la garde sur les
murailles, que vis-je, sinon que son armée s’était envolée, sauf toutefois en
Saint-Denis ! Alléluia, compère, alléluia ! Nos souffrances sont
finies ! Que Jésus et la Benoîte Vierge en soient à jamais bénis ! Il
y aura grande procession sur le coup de neuf heures qui, des Filles-Dieu se
rendra à Notre-Dame afin que d’y ouïr le Te Deum chanté en actions de
grâces ! Ventre Saint-Bleu, soyez-y !
    J’y fus, au
milieu d’un grand concours de peuple en liesse, et y vis, fort rayonnants,
l’ambassadeur Mendoza, le légat Cajetan, Pierre d’Épinac, archevêque de Lyon,
la Montpensier, Nemours, mais non point sa mère, la duchesse n’aimant point la
presse. Et jouant des coudes et m’approchant assez près de la chaire, j’ouïs un
prêche du fameux Italien Panigarole, lequel était adoré des dames, tant hautes
que populaires, pour ce que sa voix était comme ses yeux : de pur velours,
son sermon ne descendant mie aux insultes ni aux imprécations comme les
harangues de Boucher, mais demeurant, bien le rebours, dans les suavités, au
point, disait Héloïse, que « rien que de l’ouïr, c’était déjà le
paradis ».
    Sinon déjà en
Éden, le peuple, dans tous les cas, se trouvait aux portes du tiers ciel et ce
jour-là, et les jours suivants, il y eut grandes prières et mercis fervents
prodigués à Notre-Dame de Paris pour la levée du siège. À telle enseigne que
notre pauvre Dame de Lorette fut tout à plein oubliée, alors même qu’en cette
même cathédrale, deux mois plus tôt, promesse formelle lui avait été faite, en
présence de ce même peuple, par Boucher, de lui bailler une lampe et un navire
d’argent pesant trois cents marcs [34] ,
si, par son intercession auprès du divin fils, elle délivrait Paris.
Hélas ! Vœu exaucé, mais promesse non tenue, l’homme n’étant guère fidèle
à sa parole, y compris, comme j’ai dit, dans sa superstition. J’écris
« superstition », parce qu’il m’apparaît que croire Notre-Dame de
Lorette mieux en cour auprès des puissances célestes que Notre-Dame de Paris,
relève d’une fantaisie sottarde et populaire, et non pas de la foi.
    Si je voulais
ajouter à cette fantaisie, je dirais que Notre-Dame de Lorette, se trouvant
ainsi tout à trac déprisée, se vengea sur les Parisiens en leur envoyant la
maladie des fièvres chaudes qui, dans les faits, en tua autant en quatre mois,
selon le dire des médecins et apothicaires, que la peste de 1580 en avait occis
en six mois. Tant est qu’à la parfin, on perdit autant de monde après le siège
que pendant, soit, par le calcul qui en fut fait par les échevins, environ 30 000
personnes, ce qui porte à 60 000 au total la mortalité dedans Paris du
fait de la guerre. Chiffre énorme et infiniment piteux, même si l’on songe que
la bonne ville – la plus conséquente de la chrétienté – comptait
alors 300 000 âmes.
    Cette maladie
des fièvres chaudes venait des mauvaises nourritures – d’aucunes infâmes
et nauséeuses – que les bonnes gens avaient glouties de par la male rage
de faim qui les avait travaillées. Les plus âgées en furent le plus souvent
victimes, leur corps ayant moins de forces et défenses naturelles à opposer aux
intempéries et à la famine. Cependant, la mort d’Ambroise Paré, chirurgien du
roi, qui survint le 20 décembre 1590 en Paris ne fut due qu’à son grand
âge – il avait quatre-vingts ans – étant un des rares huguenots,
sinon le seul, qui fût toléré en Paris pendant le siège par les prêtres et les Seize et auquel ils n’osèrent toucher du tout, étant si respecté pour sa
sagesse, son savoir et son franc-parler, et de reste si protégé par tous les
Grands qu’il avait soignés. Le lecteur, se peut, se ramentoit que j’avais dîné
chez Pierre de L’Étoile avec lui et le grand mathématicien Ramus fort peu de
jours avant le massacre de la Saint-Barthélemy, auquel, comme moi, il réchappa,
mais non hélas ! le pauvre Ramus.
    Le
20 décembre, il y avait déjà un mois que Parme s’en était retourné dans
les Flandres, s’étant dérobé sans cesse devant Navarre, comme La Noue l’avait
si bien, et prévu, et prédit. Qui pis est, par d’habiles manœuvres il avait
pris au roi, à sa barbe, ou comme il avait dit lui-même jusque sur sa
moustache, Lagny,

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