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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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depuis
l’aube), et je pus ainsi envisager les murs de Saint-Denis, sur lesquels, à
dire vrai, je ne vis pas un chat. J’augurai donc que, dans la nuit, leurs murs
seraient tout aussi dépeuplés que les nôtres, personne ne pouvant imaginer
qu’on pût avoir à ce point diable, ou diablesse, au corps que de chercher
bataille par un froid à vous geler l’humidité du souffle sur votre propre
moustache – une bise aigre, glaçante et coupante vous sifflant, au
surplus, aux oreilles, en particulier sur les murailles, où nulle maison ne la
venait couper.
    Le ciel étant
clair assez, quoique plombé, je tâchai de me reconnaître dans les pignons et
bretèches des maisons qui dépassaient les murs de Saint-Denis (nos murailles
étant plus hautes que les leurs) et crus reconnaître celui (je parle du pignon)
qui coiffait le logis de La Raverie, lequel, comme je l’avais noté à la pique
du jour, en quittant sa maison de la rue Tire-Boudin, était coloré en rose vif.
Et dans l’hypothèse où, non loin d’elle, un viret ou des degrés descendissent
de leur muraille dans la rue, je calculai qu’il me faudrait franchir ladite
muraille cent toises environ sur la dextre de leur porte de ville, qui portait
le nom de la capitale pour la même raison que la nôtre, qui lui faisait face,
s’appelait la porte de Saint-Denis.
    Le soir venu,
je me vêtis pour la nuit le plus chaudement que je pus, et Miroul aussi, mais
en prenant soin que nos mouvements n’en fussent pas pour autant entravés. Ainsi
poussai-je la précaution jusqu’à mettre sous mes moufles de laine des gants de
soie, afin que de préserver l’agilité de mes doigts, au combat si précieuse.
Pour la même raison, je ne revêtis ni corselet, ni cotte de mailles, ni morion,
mais un bonnet de laine sous un grand chapeau, et comme armes, ne pris qu’une
épée et un pistolet, sans compter mes dagues à l’italienne que je portais si
coutumièrement dans mon dos qu’elles ne me gênaient point.
    Tronson,
cuirassé de fer de cap à pié – ce qui était proprement prendre un marteau
pour écraser une mouche, vu que toute sa peine serait de tenir mon
échelle – nous vint trouver sur les onze heures du soir et nous dit d’un
air terrible en baissant sa grosse voix – encore que l’huis sur nous fût
clos – que d’Aumale avait rassemblé mille hommes et deux cents cavaliers à
la porte de Saint-Denis (chiffre dont l’importance tant me glaça que je
préférai le décroire) ; et qu’il fallait départir sans délayer, vu que les
assaillants ne sailliraient de nos murs que lorsque les volontaires des
échelles, s’étant introduits dans la place, leur auraient ouvert du dedans la
porte.
    Advenus à
notre propre porte de Saint-Denis, Tronson ouvrant la marche et se dindonnant
en sa cuirasse, je vis à vue de nez, autant que la demi-obscurité me le permît,
que le maître menuisier n’avait point menti et que les mille hommes y étaient
bien, et au-delà se peut, et parmi eux une bonne moitié de lansquenets :
Ce qui me serra le cœur, pour ce que leur férocité après le combat était aussi
connue que leur fruste vaillance à se battre, tant est que si l’affaire ne
faillait pas, il n’y aurait pas de limite aux excès auxquels ils se livreraient,
la ville prise, sur les infortunés habitants, sans distinguer, de reste, entre
les ligueux et les royalistes, cette distinction ne leur venant même pas en
cervelle.
    Je ne vis pas
les cavaliers et comme je m’en étonnai à voix basse, Tronson me dit qu’on les
avait retirés par la grand’rue Saint-Denis jusqu’au cimetière, pour la raison
que, si l’on pouvait retenir les gens de parler, on ne pouvait retenir deux
cents chevaux mis ensemble de hennir et de taper du sabot, ce qui pourrait
donner l’éveil prématurément à l’ennemi, les murs étant si proches.
    Ce mot
« ennemi », appliqué par un Français à des Français qui à cette heure
dormaient paisiblement, tout à plein ignorants des atrocités qui les
menaçaient : – leurs biens pillés, leurs femmes et filles forcées
devant eux, leurs fils passés au fil de l’épée, et eux-mêmes à la fin moqués et
massacrés –, me fit courre un frisson d’horreur le long du dos, d’autant
que j’avais pu voir que M. de Vic gardait assez mal ses murailles, confiant en
cette tradition guerrière qui veut qu’on ne se batte pas l’hiver, en raison de
la difficulté du maniement des armes par grand froid, confiant

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