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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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J’en aurai besoin
pour lancer mon grappin, si l’échelle se trouve trop courte pour le mur.
    — J’entends
surtout, dis-je, sotto voce, que tu veux passer le premier, afin que de
prendre le premier mauvais coup, si coup il y a. Mais ne peux-je pas lancer moi
aussi le grappin ?
    — Et
tenir la lanterne sourde ? Moussu, êtes-vous jà monté sur une échelle
longue de cinq toises [35] ?
    — Jamais.
    — Alors,
vous aurez tant besoin de vos deux mains que vous regretterez de ne pas en
avoir une troisième – surtout au beau milieu de l’escalade, quand
l’échelle, sous l’effet de votre poids, se mettra en branle.
    — Adonc
va, mon Miroul, et que Dieu te garde !
    — Voilà
qui est chié chanté, dit Tronson à voix basse, dès que les agiles talons de
Miroul se furent éloignés de barreau en barreau, vous avez là un bon commis, et
qui connaît les échelles et qui vous aime. Compère, poursuivit-il à voix basse,
en me saisissant par le bras, une brassée, je vous prie, une forte brassée,
avant votre départir !
    Laquelle il me
bailla incontinent à la façon des ours, avec grand toquement sur les épaules et
baisers rugueux sur la joue, geste qui m’émut et me surprit, pour ce qu’il
paraissait témoigner, que maugré qu’il fût paonnant, chiche-face et grand
appéteur de picorée, Tronson ne faillait pas d’avoir du cœur, comme jà il
l’avait montré en envitaillant son commis Guillaume, quand celui-ci était
désoccupé.
    Il est de
fait, lecteur, comme Miroul avait dit si bien, que parvenu au milieu de
l’échelle, celle-ci, en raison de la flexibilité que lui donnait son excessive
longueur, se mit à se balancer sous moi avec une grande amplitude et une
malignité surprenante, comme si elle eût voulu me jeter hors selle comme un
cheval rétif, tant est que je regrettai, en effet, que Dieu ne m’eût pas baillé
trois mains : aucune des trois n’aurait été de trop pour m’accrocher aux
montants, et poursuivre ma route en dépit du vertige et, se peut, du danger de
ce branle nauséeux. Remembrance qu’à ce jour encore je garde fort vive, et qui
m’a donné quelque considération pour la piétaille (et autres « enfants
perdus ») dont le destin obscur est de grimper aux murailles afin que
d’ouvrir les portes des villes « ennemies » aux nobles cavaliers qui
les gagnent.
    L’échelle, la
Dieu merci, n’était pas trop courte pour la muraille, mais parvenu à son
sommet, je fus accueilli par un coup de vent si violent qu’il m’eût se peut
arraché aux montants et jeté bas sur les douves glacées, si Miroul ne m’eut pas
attrapé par le bras et hissé en sûreté sur le chemin de ronde, où je restais un
moment assis à l’abri du parapet à reprendre mon vent et haleine, et chose
étrange, encore que je me fusse livré à une si vive exercitation, trémulant
encore de froid de la tête aux pieds.
    — Moussu,
un coup d’eau céleste ? dit Miroul en me mettant mon propre flacon au bec
et en buvant lui-même.
    Ce coup-là, en
effet, me rebiscoula assez pour que je reprisse et mon souffle et la
capitainerie de mon âme, et Miroul, ayant tracé à la craie une croix sur le
parapet à la hauteur de l’échelle pour la retrouver à notre départir, je me mis
à la recherche d’un viret qui descendît dedans la ville, lequel, ayant failli à
trouver à dextre sur le chemin de ronde, je trouvai à la parfin à senestre,
Miroul ne manquant pas au dernier degré de faire une croix sur le mur à
l’aplomb du degré pour guider notre retour, et moi, à mettre le pied dedans
Saint-Denis ensommeillée – chacun remparé en sa chacunière, et toute
chandelle éteinte – éprouvant le sentiment fort étrange d’y pénétrer en
intrus et en ennemi – traité assurément comme tel, si j’encontrais une
patrouille – alors que justement je n’étais là que pour attenter de sauver
Saint-Denis du sac et du massacre et la garder à mon roi.
    Nous fûmes
quelque temps à démêler les rues et plus par chance que par méthode, nous
tombâmes à la parfin sur la rue Tire-Boudin que nous reconnûmes dès le premier
pas, pour ce que le chandelier à douze bras de La Raverie éclairait
gaillardement la verrière multicolore comme pour témoigner devant tous qu’en ce
logis du moins le sommeil était moins honoré que le jeu, la boisson et la
coquelicade. À partir de là, il fut facile de retrouver la rue de M. de Vic
(dont je ne me ramentois pas le nom)

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