Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
aussi en sa
garnison qui n’était pas petite, se montant à cinq cents hommes et cent
chevaux, chiffre qui ne devait pas être déconnu du chevalier d’Aumale,
puisqu’il avait rameuté, pour assurer son succès, le double de ces forces.
    Tronson,
prenant des mains de Miroul la lanterne sourde, nous mena jusqu’au pied de la
porte Saint-Denis, et me montra du doigt les cinq échelles que je ne vis pas de
prime, tant elles luisaient faiblement dans l’ombre, étant couchées sur le pavé
et me dit très bas à l’oreille qu’il fallait de présent attendre d’Aumale, et
comme tous céans, s’accoiser.
    Ha !
lecteur ! Sauf en les deux jours et deux nuits que je passai en
1572 – presque vingt ans plus tôt – à fuir dans les rues de Paris,
avec Miroul, Fröhlich et mon pauvre Giacomi, les massacreurs de la
Saint-Barthélemy, je ne pense pas avoir jamais vécu une heure plus torturante
que cette heure d’attente en cette nuit du 3 janvier – assurément la
plus froide de l’hiver – à telle enseigne que contraints à l’immobilité,
nous ne laissions pas que d’être transis jusqu’aux os, les pieds glacés dans
nos bottes, la moustache et les sourcils gelés. Cela n’eût rien été, toutefois,
si ce déconfort ne s’était pas ajouté à l’angoisse qui nous poignait, Miroul et
moi, face à ce millier d’hommes qui se pressaient dans la grand’rue
Saint-Denis, à peine éclairée de loin en loin par des lanternes sourdes et qui
se tenaient sous les armes, serrés les uns contre les autres par l’étroitesse
de la rue, observant une immobilité et un silence d’autant plus effrayants
qu’on ne pouvait faillir à imaginer que toutes leurs pensées étaient tendues
vers le sang. Tout cois et quiets qu’ils fussent, je ne sentais que davantage
l’impatience sinistre qui les tenaillait, dans l’attente du Grand Veneur qui de
présent allait d’un moment à l’autre surgir, déchaîner leur meute sanguinaire
et la lancer sur ces malheureux qui goûtaient de présent dans leurs paisibles
coites un sommeil dont ils ne savaient pas encore qu’il serait le dernier.
    L’horloge des
Filles-Dieu sonna la demie de onze heures et sans attendre la minuit (heure que
d’après Tronson il avait lui-même fixée), le chevalier d’Aumale apparut, monté
sur un cheval noir, vêtu d’une cuirasse sombre, ou qui du moins me parut telle,
lequel, seul et sans suite aucune d’officiers ou de domestiques, avança dans la
partie laissée libre entre la Porte et le millier d’hommes que j’ai dit, et
fit, sans se soucier aucunement de la noise, caracoler sa monture sur les
pavés, comme s’il eût voulu s’offrir à l’admiration de ses troupes avant de les
jeter sur Saint-Denis endormie. Et de fait, sa haute, mince et vigoureuse
silhouette – il entrait alors dans sa vingt-huitième année – était
fort belle, et fort beau aussi, l’étalon qu’il montait, et qui était si vif et
si vaillant qu’il paraissait cracher le feu par ses naseaux.
    Ayant ainsi
fait étalage par lui-même et par son cheval de sa virilique puissance devant
ses hommes – lesquels grondèrent comme chiens à l’attache qui, la gueule
et le cou en avant, tirent sur leurs colliers, impatients de courre à
curée – d’Aumale, face à eux sur sa superbe et piaffante monture, sans
prononcer un seul mot, montra de la dextre, au-delà de nos murs, la ville de
Saint-Denis, et fit ensuite des deux mains un geste excessivement grossier et
peuplacier pour désigner cette proie inerte et endormie à la saillie de ses
soldats et à la sienne.
    Je fus béant
de cette bassesse, encore qu’elle n’eût pas dû m’étonner venant d’un homme qui
avait livré les femmes de Saint-Symphorien à Tours au stupre de ses soldats et
forcé lui-même une fillette de douze ans, le cotel sur la gorge ; mais la
meute rassemblée dans la grand’rue Saint-Denis trouva la gausserie fort à son
goût, et n’en osant rire tout haut en raison des consignes qu’elle avait
reçues, fit entendre un ricanement sourd et prolongé qu’on eût dit sorti de
l’Enfer.
    — Compère,
me dit Tronson à l’oreille, je commence à être marri d’avoir passé bargouin
avec vous pour tenir cette échelle.
    — Capitaine,
dis-je, tant promis tant tenu. Et qui vous empêche, moi revenu, d’entrer dans
la ville à la suite des lansquenets ?
    — C’est
ma foi vrai ! dit Tronson qui se voyait jà profiter grandement, et des deux
côtés.

Weitere Kostenlose Bücher