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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vu, cruellement défaite. L’affaire fut chaude, ajouta-t-il avec le
regret évident de ne s’être pas encontré du côté des vainqueurs.
    — Chaude,
dis-je et combien que l’issue en fût heureuse pour le roi, déplorable aussi.
Quant à moi, je donnerais tous les lauriers que j’y ai gagnés pour ne pas avoir
vu des Français se battre contre d’autres Français, au très grand profit de
l’étranger.
    — Ha !
Siorac ! dit Vitry, sur lequel mes « lauriers » d’Ivry faisaient
plus d’impression que mes mérites de médecin, vous touchez là un point
sensible. En Paris, l’arrogance de l’Espagnol m’était insufférable.
    — Et elle
n’a d’égale, dis-je, que celle qu’on voit à ce ramassis de vaunéants crottés
qu’on appelle les Seize.
    — Ceux-là,
il les faudrait pendre tous ! dit Vitry en sourcillant.
    — Et,
dis-je, que penser des torrents d’injures que les prêchaillons déversent sur le
roi !
    — Moyennant
clicailles, dit Vitry d’un ton encoléré. C’est bien là le pis ! Ha !
croyez-moi Siorac ! s’écria-t-il avec amertume, dans le parti de la Ligue,
les doublons espagnols ne courent pas si épais qu’on l’a dit ! Et ne vont
pas en tous les cas à ceux qui se battent, mais à quelques marauds qui
brouillonnent dans une ville contre le roi ou à quelques prédicateurs qui
connaissent mieux l’art de l’invective que le latin.
    — Il se
pourrait, dis-je, que vous ayez raison, car j’ai ouï dire que M. de Mayenne
avait reçu quarante mille écus du duc de Feria pour renvoyer M. de Belin hors
de son gouvernorat de Paris, Ce que, de reste, il n’a pas encore réussi à
faire, le Parlement tenant fort pour Belin.
    — Tudieu !
Quarante mille écus ! s’écria Vitry en serrant les poings, et pour faire
quoi ?
    — Rien,
dis-je. Vous savez comme moi, Vitry, que le duc de Mayenne, depuis la bataille
d’Ivry s’apparesse au lit et s’acagnarde à table, sans tirer l’épée ni branler
un orteil, sauf pour traiter à’steure avec l’Espagnol, à’steure avec le roi.
    — Quoi !
Il a pris langue avec le roi ? s’écria Vitry.
    — C’est
qu’avec la conversion du roi, marquis, tout a changé. Le vent tourne et Mayenne
sait le humer mieux que personne. Et, ajoutai-je avec un insinuant regard, avant personne.
    — Tudieu !
s’écria Vitry.
    — Et,
dis-je, quand Mayenne se sera accommodé au roi, les bons gentilshommes qui
l’auront servi à leurs dépens et débours, seront gros Jean comme devant.
    — Je n’en
crois pas mes oreilles ! Ce gros pourceau barguigne avec le roi !
    — Et le
bargouin n’est pas petit ! Le roi a offert à Mayenne le duché de Bourgogne
et quatre cent mille écus.
    — Quatre
cent mille écus ! s’écria Vitry, tout à plein hors de lui, je me serais
contenté du dixième !
    Parole
imprudente, certes, pour ce que le roi m’ayant donné comme instruction de
traiter avec Vitry à cinquante mille écus, je décidai incontinent en mon for
d’en rabattre dix mille.
    — Justement,
dis-je en lui lançant un regard des plus profonds, et m’accoisai.
    — Marquis,
dit Vitry après un moment de silence, plaise à vous de passer avec moi en ce
petit cabinet. Nous y serons plus à l’aise pour continuer.
    Je le suivis
dans ledit cabinet où, ayant de prime clos l’huis d’un verrou, il m’invita à
prendre place sur une des deux chaires à bras qui étaient là et que séparait
une petite table sur laquelle se dressait un bougeoir qu’il alluma, combien
qu’on fût en plein jour, n’y ayant pas de fenêtre en ce lieu confiné. Et c’est
là, lecteur, que se débattit le sort de Vitry, de sa compagnie, de la ville de
Meaux et de la vallée de la Marne.
    — Vitry,
dis-je, vous avez quitté le roi à son avènement par un scrupule de conscience
qui grandement vous honore. Cependant, le roi s’étant fait catholique, il
m’apparaît que ledit scrupule devrait être levé et que rien ne s’oppose plus à
ce que vous reveniez à lui.
    — Las !
Ce n’est point si simple ! dit Vitry en fermant l’œil à demi, comme
d’aucuns faucons avant qu’on les lâche : je me suis engagé avec le duc de
Mayenne et j’ai fait le serment devant le Parlement de Paris de lui garder
Meaux. Je ne peux donc me rallier au roi sans ternir mon honneur.
    Ho ! que
nenni ! m’apensai-je en grinçant des dents en mon for. Voilà ce qu’il en
est de ce rude et franc soldat : Il ne veut point ternir

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