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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de
quoi, Sire, seront faites les roses ?
    — C’est
un secret d’État, Barbu, dont seul M. de Saint-Luc est de présent détenteur.
    — Ha !
Sire, dis-je avec un sourire qui passait à peine l’enclos de mes dents, si vous
me permettez un peu de groigne à la Rosny, je vous dirai : pourquoi
Saint-Luc ? Et pourquoi pas moi ?
    — Pour la
raison, Barbu, que Saint-Luc, tout archimignon qu’il fût du défunt roi, épousa
Jeanne de Cossé, sœur de Brissac, lequel Brissac est à lui très affectionné et,
quoique de sa nature plus prudent que serpent, a toute fiance en son
beau-frère.
    — Sire,
si M. de Saint-Luc s’introduit en Paris, je n’y suis guère utile !
    — La
trêve ayant cessé, Saint-Luc, Barbu, ne pourra montrer la moitié d’une fesse en
Paris sans se faire assassiner. Mais toi, Barbu, tu le peux et, sans être
fouillé, passer la porte Saint-Denis, grâce à ton compère menuisier. Tu
porteras donc à Brissac une lettre de Saint-Luc lui donnant rendez-vous hors
les murs et un passeport de moi. Le prétexte de cette rencontre en sera un
héritage à partager entre M me de Saint-Luc et son frère Brissac.
    — J’entends
bien, Sire, dis-je, Saint-Luc est le rosier, Brissac est l’amateur de jardins
et moi le jardinier qui doit l’inciter à venir céans contempler les promesses
des roses.
    — Mais,
Barbu ?…
    — Sire,
je n’ai pas dit « mais ».
    — Mais tu
l’as pensé. Mets-le donc sur ta langue, dit Henri qui, à l’occasion ne
détestait pas non plus les giochi.
    — Sire,
il me semble que ma mission auprès de l’amateur des jardins serait plus sûre de
ne pas faillir si je pouvais l’appâter en lui décrivant au moins une de ces
roses. Tant est que son appétit ne pourrait que croître de connaître les
autres.
    — La
raison même. Approche donc.
    Toutefois à
peine le roi eut-il eu le temps de me souffler ladite description, laquelle ne
fut pas sans m’ébahir, qu’on toqua à l’huis à plusieurs petits coups répétés en
manière de tambourinade que le roi parut ouïr comme la musique des sphères, le
valet courant la porte déclore, et moi-même disparaissant par la porte dérobée.
    J’entrai le
jeudi 10 mars en Paris avec M. de La   Surie et mes gens vers les six
heures de l’après-midi, sous le prétexte d’y porter un chargement de satin et
de velours. Mais encore que le « capitaine » Tronson prît d’ordinaire
la garde de la porte Saint-Denis le jeudi, ce soir-là il n’y était pas, et je
fus fouillé par un lieutenant zélé de cap à pié, lequel ne trouva rien, à cause
que j’avais cousu la lettre de Saint-Luc et le passeport du roi à l’intérieur
de mes gants que le sottard me fit ôter, mais ne visita pas. À mon sentiment,
je n’eusse pas dû courir ce hasard, mais envoyer en avant M. de La Surie qui,
du haut des remparts, m’eût fait signe de franchir la porte, ou de ne la point
franchir, selon qu’elle était, ou non, gardée par Tronson.
    J’allai sans
tant languir voir ledit Tronson dès le lendemain pour quérir de lui s’il me
pouvait ménager une entrevue bec à bec avec M. de Brissac, ayant des nouvelles
pour lui de M. de Saint-Luc touchant un héritage.
    — Rien ne
me sera plus facile, dit Tronson, les Seize ont l’oreille de M. de
Brissac et combien que je ne sois plus tout à fait des Seize, il me
suffira d’un billet d’eux pour que Brissac vous reçoive.
    — Et
quand cela sera ?
    — Dès
demain, sur le coup de midi et il ne vous en coûtera que dix écus.
    — Capitaine,
dis-je en riant, vous arrive-t-il de jamais bailler service gratis pro
Deo ?
    — Compère,
fit Tronson gravement, n’étant pas sottard, j’ai observé une chose ou deux.
Vous allez. Vous venez. Vous vendez du drap. Vous vendez du blé. Vous êtes
assidu chez M me de Nemours. Son fils vous a baillé passeport.
Navarre, aussi. Adonc, vous voilà dans nos murs à nouveau et vous ne quérez pas
de M me de Nemours, ce qui serait facile, de vous faire encontrer
Brissac. Vous le quérez de moi. J’en conclus que la dame, se peut, vous poserait
questions, lesquelles, moi, je ne vous poserai point. Cette discrétion vaut
bien dix écus.
    — Capitaine,
dis-je, votre sagacité m’émerveille. Ouvrez votre escarcelle qu’y trébuchent
cinq écus ; le solde vous sera versé à l’entrant du logis de Brissac.
    — J’aime
ce tintinnabulement, dit Tronson.
    Et de vrai, il
m’envoya le lendemain, à la pique du jour, un

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