La Violente Amour
à ce
grand esprit. Comme Jeanne d’Arc l’avait si bien compris pour Charles VII,
quand un roi, dépossédé de la moitié de son royaume, se voit contraint de le
reconquérir, les fastes de son sacre sont un acte de grande conséquence. Il
affirme devant ses peuples sa légitimité, étant plus fort d’ores en avant du
caractère sacré que lui ont conféré l’Église, ses rites séculaires et le chrême
miraculé.
CHAPITRE XIII
Le
8 mars, le roi, revenu de Chartres, me fit dire d’aller le voir à son
coucher, Sa Majesté disposant, après qu’il eut souhaité la bonne nuit à ses
gentilshommes et avant qu’il reçût la visite que l’on sait, d’une heure ou deux
pour traiter de ses plus secrètes entreprises.
— Barbu,
dit-il, le duc de Feria a imposé le renvoi de M. de Belin, juste au moment où
celui-ci allait nous livrer en catimini une des portes de la capitale. Le crime
de Belin est d’avoir dit « qu’il était Français naturel et ne serait
jamais Espagnol ». Propos que n’a pu souffrir le duc de Feria qui est
l’idiot le plus solennel de la péninsule ibérique. En bref, Mayenne, à
l’instigation de Feria et du légat, a remplacé Belin par Brissac, lequel a la
réputation d’être un archiligueux. Toutefois Mayenne lui-même vient de quitter
Paris en emportant ses meubles et ses tableaux, ce qui ne montre pas en
l’avenir de la Ligue en Paris une fiance adamantine. En bref, Barbu, connais-tu
Brissac et est-il bien l’archiligueux que l’on dit ?
— Sire,
dis-je, Brissac est en mon opinion plus guisard que ligueux. Bien je me
ramentois qu’il n’a rejoint Guise que par pique contre le défunt roi, lequel
avait dit de lui, Brissac ne s’étant pas bien comporté en de certains combats
terrestres et maritimes : « Brissac n’est bon ni sur terre ni sur
mer. » Raison pour quoi, lors des barricades qui chassèrent Henri
Troisième de Paris, Brissac, qui en fut le héros, dit : « Sa Majesté
qui ne me trouve bon ni sur terre ni sur mer, voudra bien me concéder que j’ai
trouvé enfin mon élément : Je suis bon sur le pavé. »
— Voilà,
dit Henri, qui montre tout à la fois beaucoup de ressentiment et beaucoup
d’esprit. On dit Brissac bas de poil.
— Se
peut, Sire, que la vaillance ne soit pas son fort. En revanche, il est très
renardier, chattemite en diable et sait admirablement contrefeindre le naïf et
le sot. Il passe pour l’outil des jésuites, mais pour moi, il n’aspire qu’à son
particulier, et n’est l’outil que de lui-même et de son ambition.
— Et sur
quoi, Barbu, fondes-tu les traits de ce brillant portrait ?
— Sur les
particulières circonstances de mon encontre avec lui.
— Il te
connaît ?
— Lui
non. Moi si. Dois-je en dire ma râtelée ?
— Oui, si
tu es bref, dit le roi en jetant un coup d’œil à la porte dont le toquement
allait sonner le glas de notre entretien.
— Voici.
Le défunt roi enfui de Paris au moment des barricades, Brissac alla trouver my
Lord Stafford pour tâcher de le persuader de rester dedans la capitale, et non
pas suivre Sa Majesté à Chartres, comme son devoir d’ambassadeur de la reine
Elizabeth le lui commandait.
— Comment
sais-tu cela, Barbu ?
— J’étais
là, Sire, j’ai tout ouï.
— Où,
là ? Dans les salons de l’ambassadeur ?
— Non,
Sire, je me trouvais dans un cabinet attenant, caché sous le vertugadin de my
Lady Markby.
— Ventre
Saint-Gris, Barbu ! dit le roi en riant à gueule bec, tu as une sorte de
talent pour t’accommoder partout. Que répondit Stafford à la requête de
Brissac ?
— Un
formidable non, Sire. My Lord Stafford entendit fort bien que demeurer dans
Paris, c’était reconnaître Guise. Les prières et les menaces voilées de Brissac
n’y firent rien. Il fut inébranlable. Oyant quoi, de menaçant qu’il était,
Brissac redevint suave, et bon ménager de chèvre et de chou, il escorta
lui-même my Lord Stafford et les siens hors Paris.
— Et
qu’augures-tu qu’il fera en Paris, maintenant qu’il est gouverneur ?
— J’augure
que, Mayenne parti, Brissac humera le vent et qu’il préférera aux chemins
pleins d’épines des Seize et de la Ligue un chemin où se voient des
roses.
— Il
faudrait donc, Barbu, que tu voies et connives à ce que ces roses et lui se
rencontrent.
— Moi,
Sire ?
— Oui-da !
— En
Paris ?
— Oui-da !
— Sur
l’heure ?
— Oui-da !
— Et
Weitere Kostenlose Bücher