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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ou plutôt la porta
en mon église, afin d’y trouver le secours de la religion.
    Ce récit nous
laissa béants, tant nous parut proprement incrédible qu’un gentilhomme de bonne
et ancienne noblesse comme le chevalier d’Aumale [6] ,
lequel était cousin des princes lorrains, fût descendu à ces bassesses, l’âge
de la pauvrette nous paraissant multiplier la crudélité de son acte, ainsi que
l’observa à sa manière naïve Pissebœuf, que j’ouïs fort bien – encore
qu’il eût parlé bas – dire à son compère Poussevent : « Quinze
ans, passe ! Mais douze ! C’est par trop meurtrir la chair
nouvelette ! »
    Quand la
pauvrette, à la parfin, se dépâma, je lui donnai un grain d’opium pour
l’assouager quelque peu, puis je fus deux grosses heures à la laver, à la
recoudre, à la panser. Ces curations finies, je lui donnai derechef un grain
d’opium, et quand enfin elle s’ensommeilla tout à plein, demandant le secret
absolu au bon vieux prêtre, j’allai avec la chambrière visiter son père à
Tours, et exigeant de l’encontrer bec à bec, lui dis le tout de l’affaire, en
l’avisant de ne pas l’ébruiter, afin que M lle de R. ne fût pas, dans
la suite de son âge, rejetée par le monde et quasiment contrainte à s’enfouir
en un couvent.
    M. de R. était
veuf, et n’ayant d’autre enfant que celle-ci, tous les autres étant morts en
bas âge, il était tendrement raffolé de son Ariette, et encore qu’il brûlât de
se revancher, étant gentilhomme de bon lieu, sur le chevalier d’Aumale, il
convint avec moi que le silence valait mieux qu’un cartel, en la circonstance
impuissant. Et comme M lle de R. se trouvait tout à plein déconnue
des malheureuses de Saint-Symphorien avec qui elle avait été mêlée, cette
ignorance, la prudence du père, la discrétion du curé, de la chambrière, pour
ne point parler de la mienne, tout concourut à dissimuler aux yeux de tous le
cruel outrage que M lle de R. avait subi. Dissimulation qui, même si
elle ne supprima pas sa navrure, lui épargna du moins l’opprobre qui en fut
l’inique conséquence pour ses infortunées compagnes.
    Belle
lectrice, dont le cœur tendre s’intéresse à M lle de R. et voudrait
sur elle en savoir davantage, sachez donc que de son être physique, c’était une
brunette bouclée aux yeux noirs, profonds et pensifs ; que sa charnure,
fort puérile en ses douze ans, dessinait à peine la femme qu’elle allait
être ; et qu’enfin elle était, de son humeur, naïve, douce, confiante, et
en outre, si affectionnée que l’ayant visitée quatre jours à peine à Tours pour
lui continuer mes soins, elle pleura à chaudes larmes à mon départir et me fit
promettre de lui écrire. Ce que je fis. En bref, c’était la plus mignonne
angelette qui fût du haut des cieux sur terre descendue. Et encore que notre
correspondance se discontinuât – pour ce qu’elle écrivait fort peu et fort
mal – j’ai ouï dire qu’elle s’était, sur ses seize ans, heureusement
mariée à un gentilhomme de Blois, lequel ayant appris la vérité des lèvres de
son futur beau-père, la voulut aussitôt rejeter dans la gibecière de son oubli
et d’autant que le chevalier d’Aumale, ayant été entre-temps tué, et je dirai
pourquoi et par qui, on ne pouvait que s’en remettre à Dieu de son châtiment.
     
     
    Après la
retraite et département de Mayenne, le 9 mai au matin, il fut débattu
entre le roi et Navarre s’il fallait incontinent courre sur le Gros Pourceau
avec les deux armées conjointes. Je n’assistai point à ce conseil, mais j’en
sus la substance par Rosny qui en fut, et me dit que la poursuite de Mayenne
par les deux Henri n’était pas apparue comme un moyen fort sûr, Charles ou
Carolus, comme on aimait aussi à dire, ayant sur eux trop d’avance pour qu’ils
pussent espérer gagner sur lui, et en outre, y ayant trop de bonnes villes
ligueuses où, refusant le combat, il eût pu s’enfermer. À cette occasion, me
rapporta Rosny en riant, mon pauvre bien-aimé souverain fit un de ces giochi
di parole dont il était raffolé, disant qu’il ne fallait pas hasarder deux Henricus contre un seul Carolus, faisant allusion au fait que l’écu
d’or, frappé par son père Henri II, valait encore soixante sols, alors que
le Carolus, fort décrié, ne valait plus que dix deniers.
    À la vérité,
je ne puis me ramentevoir si c’est à ce conseil ou à un de ceux qui suivirent
qu’il

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