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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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voix très
basse, et en latin : « L’intestin est percé en deux endroits. Je ne
vois pas qu’on puisse sauver le patient. »

CHAPITRE IV
     
     
    Le lecteur
assurément se ramentoit qu’une année après la meurtrerie de mon bien-aimé
maître, je quis du Grand Prieur de m’éclaircir sur une parole obscure que Sa
Majesté avait dite à son sujet la veille de l’attentement, au maréchal de
Biron, à savoir qu’elle voulait qu’il devînt « comme un pont entre ses
ennemis et lui ». Et le Grand Prieur, m’ayant répondu à ma satisfaction,
ses larmes coulant sur ses fraîches joues de par le pâtiment que ces
remembrances lui causaient, il se laissa tout soudain aller à les évoquer avec
le naturel et la candeur de son âge, comme si d’en faire le conte eût percé
l’apostume de son âpre chagrin, le soulageant d’autant.
    — Ha !
Siorac ! me dit-il, me prenant la main entre les siennes (ayant, tout
Enfant de France qu’il fût, des manières si cajolantes), depuis un an, il ne
s’est passé de jour que je n’aie maudit le misérable aveuglement de l’homme à
ne pouvoir discerner le futur dans la trame du moment présent. Sans cela,
encontrant ce moine à la cour du logis de Gondi, la veille de l’assassination,
l’eussé-je laissé vivre plus d’une seconde ? Et le roi, le même soir, me
donnant mon congé pour ouïr ses musiciens, aurais-je passé cette nuit-là à
jouer frivolement à la Prime avec mes gentilshommes ? ne me couchant qu’à
l’aurore et dormant, Siorac ! Dormant, quand le coup fatal fut
porté ! Ha Siorac ! Que je me garde mauvaise dent de ce
sommeil-là !
    — Monseigneur,
dis-je, eussiez-vous été à ce moment aux côtés du roi, comme Bellegarde et La
Guesle, vous n’auriez pu faire davantage qu’ils ne firent.
    — Je le
crois, dit-il, mais avec la mine de quelqu’un qui le décroit, se berçant sans
doute de cette rêveuse et tendre fallace qui veut que notre seule présence
puisse protéger ceux que nous aimons. Et Dieu sait si le Grand Prieur aimait
Henri, lequel lui était tout ensemble un oncle et un père, celui de par le sang
l’ayant laissé orphelin à l’âge d’un an. Siorac, poursuivit-il, me serrant la
main avec force entre les siennes, il reste que je dormais quand ce maudit
moine enfonça son cotel dans les entrailles de mon unique parent [8] , et ne fus désommeillé sur le
coup de huit heures, à ce que je sus plus tard, que par un de mes valets de
pied, hurlant à mes oreilles qu’on avait navré le roi ! Quoi oyant, me
jetant du lit où une heure plus tôt je m’étais, tout vêtu, endormi, je volai
jusqu’au logis de Gondi, tout le monde y courant avec des cris et des larmes,
et peu de paroles, sinon interrompues de sanglots et de soupirs.
    « En
cette inouïe confusion et cohue j’advins enfin à l’huis dudit logis, lequel
était remparé et gardé par des archers qui refusaient l’entrant à tous, et si
hors d’eux-mêmes de douleur et de rage qu’ils me l’eussent à moi refusé, si
Larchant, par chance, ne m’avait reconnu. Et traversant avec lui la cour, où la
veille avec vous, j’avais encontré ce démon en robe de bure, je le vis –
horrible spectacle – gisant sanglant et quasi rompu sur le pavé, ce qui me
fit entendre, et que c’était lui le meurtrier, et qu’on l’avait occis et
défenestré, son forfait accompli. Toujours précédé de Larchant qui m’ouvrait un
chemin, je passai les quarante-cinq qui gardaient l’escalier, l’épée au
poing, grinçant des dents, jurant, et versant des larmes. Oui, Siorac !
Ces hommes rudes pleuraient, ayant perdu le meilleur des maîtres ! Jugez
alors de ma perte à moi, et de mon dol, l’un et l’autre incommensurables à
aucun autre en ce royaume ! Ha ! Siorac ! Jugez enfin par là les
sentiments qui m’exagitèrent quand, entrant dans la chambre royale, j’aperçus
le roi étendu sur sa coite, sans qu’on l’eût encore pansé, le ventre inondé de
sang, et sa plaie au ventre béante, cependant, la face, quoique fort pâle,
sereine et composée.
    « — Mon
fils, me dit-il comme je me jetai à genoux à son chevet, mon fils, me dit-il de
sa voix coutumière, calme et articulée, ces méchants m’ont voulu tuer, mais
Dieu m’a préservé de leur malice : ceci ne sera rien.
    « Et moi,
répondant à ces paroles (qui eussent dû pourtant me conforter) par de
convulsifs sanglots, François d’O et Bellegarde me prirent chacun par un

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