Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
Bellegarde, grand écuyer de Sa Majesté que pour
cette raison on appelait M. le Grand, très beau seigneur courant fort le
cotillon, ou plutôt fort couru par lui, d’une disposition toutefois sérieuse et
silencieuse, et pour infidèle qu’il fût à ses belles, d’une fidélité éprouvée à
son roi. En bref, gentilhomme en tous points parfait, s’il n’avait pas pâti,
comme le bouffon Chicot, dans les mois d’hiver, d’une goutte au nez, laquelle
menaçait perpétuellement son pourpoint, infirmité qui était cause que le roi,
que cela agaçait excessivement, le gourmandait sans cesse, tout en l’aimant
prou et en l’estimant fort.
    J’encontrai
Bellegarde dans l’antichambre du roi, quelques minutes après la meurtrerie,
alors que les chirurgiens du roi, Portail et Pigret, assistés du médecin Le
Febre examinaient dans la chambre la navrure que le cotel de Clément avait faite
au roi. L’entrant de la chambre royale me venait d’être refusé par six des quarante-cinq qui farouchement gardaient l’huis, et certes, me
connaissaient, mais ne me connaissaient point comme médecin de Sa Majesté, car
à Blois, où j’étais mêlé à eux, j’avais joué, comme j’ai conté ailleurs, un
tout autre rollet. Et moi me réfléchissant que je ne serais de reste d’aucune
usance à l’examen qui se faisait en la chambre, n’étant point chirurgien, je ne
pressai pas ma demande plus avant et me vins mettre en l’encoignure d’une
verrière qui donnait sur le jardin et y encontrant Bellegarde, qui pleurait à
chaudes et amères larmes, je lui passai le bras autour du col et quoique
moi-même fort oppressé, entrepris de le conforter. Et lui, cessant au bout d’un
moment ses tumultueux sanglots, et se ramentevant tout soudain que j’étais
médecin, quit de moi d’une voix rauque et basse si un homme pouvait être curé
d’un coup de cotel dans le bas-ventre.
    À quoi je
tressaillis excessivement en mon for pour ce que je n’avais pu apprendre
jusque-là où le roi avait été navré, n’ayant trouvé sur mon passage que des
gens qui avaient perdu toute voix, sauf pour pleurer, gémir ou jurer. Mais quel
que fût à cette funeste nouvelle que m’apprenait Bellegarde mon intime
sentiment, voyant avec quelle anxiété M. Le Grand m’envisageait et ne voulant
pas le désespoir plus outre, je dis :
    — Oui-da,
on en peut guérir à condition que le couteau n’ait pas percé le boyau.
    — Dieu
soit loué ! s’écria alors Bellegarde dont le beau visage s’éclaira maugré
les larmes qui le chaffourraient, Henri sera donc sauf ! Car dès le moment
de sa meurtrerie, je l’ai vu, de ces yeux que voilà, mettre à plusieurs
reprises les doigts dans sa plaie et déclarer que son intestin n’était point
touché. De reste, il ne pâtit point et je l’ai ouï dire au Grand Prieur, dès
l’advenue de ce dernier : « Ces méchants m’ont voulu tuer, mais Dieu
m’a préservé de leur malice : Ceci ne sera rien. »
    Et moi voyant
Bellegarde quiet et sa voix étant revenue (que les sanglots jusque-là étouffaient)
je lui demandai comment la chose avait pu se faire, Henri vivant environné de
ses quarante-cinq, quelques-uns même couchant dans la galerie qui
donnait sur sa chambre, et Du Halde couchant à côté de sa couche royale sur un
petit lit.
    — Ha !
dit Bellegarde, la faute en est uniquement à la coutumière bénignité et
facilité d’Henri. C’est sa bonté qui l’a tué ! Ou du moins blessé,
reprit-il en pâlissant, comme s’il était fâché contre soi d’avoir employé un
mot de mal augure dans le mitan de son renaissant espoir.
    « Comme
vous savez, Siorac, poursuivit-il en levant la crête, c’est moi qui dois le
soir fermer le rideau du roi sur sa couche, et moi encore, et moi seul, qui
dois le matin le tirer. Du Halde n’aurait garde de le faire, tout premier valet
de chambre qu’il soit, sachant bien que cet office est mon privilège. Et le roi
m’ayant commandé hier soir, quand il donna congé à ses musiciens, de le venir
trouver à sept heures, ce matin, premier août, à sept heures précises à ma
montre-horloge, j’entrai dans sa chambre et marchant vers sa couche, allai en
tirer le rideau, quand Du Halde, se levant de son petit lit, me chucheta de
n’en rien faire, que le roi dormait encore profondément et qu’il m’appellerait
dès qu’il serait désommeillé.
    « Je
saillis alors de la chambre et le ciel étant fort pur et le soleil déjà

Weitere Kostenlose Bücher