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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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et demeurait perdu dans ses
méditations, je fus à toute liberté pour suivre des yeux le chemin que nous
prenions. Le carrosse passa d’abord devant le Louvre, puis prit par le quai de
la Mégisserie et, tournant à droite, traversa la rivière de Seine par le Pont
Neuf, lequel me donna, comme toujours, un plaisir dont je ne me lassais pas,
d’abord parce qu’il était véritablement neuf, n’ayant pas plus d’un an
d’existence, et ensuite parce qu’il était fort beau, et enfin parce que Henri
l’avait conçu et fait bâtir, ainsi (comme j’ai dit) que la rue Dauphine, qui
lui faisait suite et aboutissait à la Porte de Buci.
    Toutefois, notre carrosse ne franchit pas l’enceinte
fortifiée, comme je m’y attendais, et, tournant à droite avant d’atteindre la
Porte de Buci, s’engagea dans la rue des Bourbons et s’arrêta devant un hôtel
de si belle apparence que je fus étonné qu’un maître d’école pût y loger.
    — Il n’y a point là miracle, dit Bassompierre : Il
est précepteur des enfants d’une noble famille, celle qui loge en ces murs. Le
bonhomme y a sa chambrette.
    — Eh quoi ! dis-je, vais-je être instruit en même
temps que des enfantelets ?
    — Que nenni ! dit Bassompierre. On aura grand soin
de vous : on vous prendra à part.
    Dès qu’on eut obtenu l’entrant dans la cour, un chambellan
qui, sur le chapitre de la bedondaine, n’avait rien à envier à Monsieur de
Réchignevoisin – mais comme on sait, un majordome gras honore une grande
maison – nous précéda dans une salle qui, pour ne pas être aussi
magnifique que celle de la Duchesse de Guise, dépassait de beaucoup la nôtre en
richesse, étant abondamment garnie de tapisseries des Flandres, de tapis de
Turquie, de rideaux de velours, de chaires à bras, de tabourets à tenailles et
de très jolis cabinets d’Allemagne marquetés et fort sveltes, étant juchés sur
des pieds de noyer. Ils m’attirèrent l’œil aussitôt.
    Le chambellan nous fit asseoir, se retira en révérences et
je m’attendis à une longue attente. Il allait de soi qu’avant de faire venir le
précepteur, Bassompierre allait me présenter à la maîtresse du lieu et on sait
bien qu’aucune personne du sexe n’oserait se montrer aux regards d’un homme,
même en son intérieur, sans redonner quelque éclat à son teint. Je me trompais.
Deux minutes ne s’étaient pas écoulées qu’une dame d’apparence majestueuse, et
fort belle de visage, apparut au bout de la grand’salle. Bassompierre se leva
et alla au-devant d’elle d’un pas vif, tandis que je restais debout auprès de
ma chaire à bras, n’osant avancer avant qu’il m’appelât. Ce qu’il ne me parut
pas disposé à faire incontinent, s’entretenant avec notre hôtesse avec
animation. Comme il était maintenant assez loin de l’endroit où je me tenais,
me tournant le dos et parlant à mi-voix, je ne pouvais ouïr ce qui se disait
entre eux. Mais, à bien observer la physionomie de son interlocutrice, il me
sembla qu’elle le tenait à distance, mais sur un pied de familiarité, comme si
elle le connaissait de longue date, sans l’aimer autant qu’il l’eût voulu,
habitué qu’il était à voir tomber devant lui toutes les vertus de la cour. Mais
celle-ci paraissait d’une tout autre plume que celle de ces perruches dont on
disait qu’il était couvert. Son visage portait un je ne sais quoi de sérieux et
de grave, ce qui contraignait, à ce qu’il me sembla, Bassompierre à plus de
respect qu’il n’en montrait d’ordinaire aux dames. À un moment, je la vis
froncer le sourcil et elle haussa quelque peu la voix pour dire sur le ton de
la réprimande : « Décidément, Comte, vous êtes incorrigible ! »
    Comme cet a parte durait plus longtemps que je ne m’y
étais attendu, j’eus le temps de détailler l’appareil dans lequel la maîtresse
de maison apparut, et fus surpris de constater qu’il était fort simple,
consistant en un corps de cotte bleu pâle en serge de soie et d’un vertugadin
de même tissu sans broderie aucune, ni passementerie, ni perles et sans autre
bijou qu’un pendentif en or incrusté de petits diamants qui ornait un décolleté
des plus modestes. La raison pour laquelle cette simplicité, pour ne pas dire
cette simplesse, ne m’avait pas frappé d’abord, était que je n’avais eu de
prime d’yeux que pour son beau visage, ses yeux sombres, sa magnifique
chevelure noire et la façon peu courante dont

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