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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sottises que vous pourriez commettre. En outre, il y a vaillance
et vaillance. Et celle dont vous aurez besoin ne tient pas à celle de l’épée.
Elle est infiniment plus difficile.
    — En quoi consiste-t-elle ? dis-je, la crête très
rabattue, mon père me parlant rarement sur ce ton.
    — À ne jamais paraître ce que vous serez. Et parfois
même à jouer les étourneaux, tout en vous gardant de tous et de tout, avec le
souci du moindre détail et une vigilance dont vous n’avez aucune idée.
    Il continua dans cette veine pendant une demi-heure, son
discours tirant substance de toutes les embûches qu’il avait connues dans ses
missions. Et entendant bien, à la fin, que sa grande amour pour moi et ses
inquiétudes pour mes sûretés lui avaient inspiré et sa petite rebuffade et ses
conseils, je les ouïs d’un bout à l’autre avec une attention dont il se trouva
sans doute satisfait car au moment de me donner congé, il me bailla une forte
brassée et me baisa gravement sur les joues.
    — Et ce merveilleux maître d’allemand que le Roi va me
donner, dis-je au départir, savez-vous qui c’est ?
    — Je n’en ai aucune idée, dit-il avec un sourire qui me
laissa quelques doutes sur son ignorance.
    Je le quittai là-dessus, le moment étant venu de ma sieste,
mais l’attrait de la nouvelle existence où j’allais entrer et qui, malgré que
le Roi m’eût traité de « béjaune » et de « chiot »,
m’apparaissait comme la première étape de ma vie d’adulte, emplit à ce point ma
pensée que je demeurai un long moment inerte et taciturne dans les bras de la
pauvre Toinon. Avec la curiosité et l’adresse propres à son sexe, elle me posa,
me voyant si rêveux, des questions à l’infini. Elle s’essaya même, pour vaincre
mon silence, à quelques larmelettes, mais tout fut vain. Je restai bouche
cousue. Me voyant en mon âme si bien remparé, de guerre lasse, elle se rabattit
sur la bête et mettant en œuvre toutes les magies où elle était experte, elle
eut tout le succès qu’elle espérait, mais sans pouvoir tirer de moi autre chose
que des sons inarticulés. Assurément, après que la bonace eut succédé à nos
tempêtes, me jugeant aussi affaibli que Samson après qu’on l’eut tondu, elle ne
laissa pas de renouveler doucettement ses questions, mais je pris alors le
parti le plus simple : je m’endormis sans la moindre vergogne. Je me
ressouviens que ma dernière pensée en m’ensommeillant fut pour me féliciter
d’avoir fait preuve de la circonspection recommandée par mon père. Et vramy, on
eût dit, tant je m’en paonnais, que c’était là un grand exploit !
    Quinze jours s’écoulèrent ensuite sans qu’il se passât rien,
du moins rien qui m’intéressât et je commençais à me demander si le Roi avait
oublié ses projets touchant ma personne, ce dont je me fusse senti bien marri,
n’étant pas homme à replier sur moi mes ailes dans le lit familial.
    Fogacer vint nous voir un vendredi et tout en dévorant à
notre table une superbe carpe, il nous apprit que la reine Margot venait de
faire donation aux Augustins déchaussés d’une partie du jardin de son hôtel,
afin qu’ils y élevassent un couvent où l’on pût éternellement prier le Seigneur
et le remercier pour ses bienfaits.
    — Belle répartition des tâches ! dit Fogacer en
arquant son sourcil diabolique sur son œil noisette. Les Augustins, en leur
chapelle, chantent les louanges de Dieu et Margot célèbre en son hôtel les
délices de sa charnelle enveloppe avec ses favoris.
    Mon père aimait tant dénoncer chez nos catholiques de cour
la proximité paisible des prières et des putaneries que je crus qu’il allait
faire un sort à cette plaisanterie, mais c’est à peine s’il en sourit. Le nom
de Margot, dans ce contexte de débauche, avait mal sonné à ses oreilles. La
chose crevait les yeux : il était tout enveloppé et cousu par ces cheveux
d’or et fort content de l’être, l’œil en fleur, je ne sais quoi de victorieux
en sa démarche, et, malgré ses rides, le visage lisse des gens heureux.
    Quant à Fogacer, en dépit de ses petites gausseries
gauloises – mais le curé Courtal, au sujet des jésuites, s’y livrait tout
aussi volontiers –, il devenait chaque jour plus ensoutané. Il ne parlait
plus du tout de son athéisme et presque plus de sa bougrerie, lesquelles
pourtant avaient été, pendant tant d’années, ses parures. « Révérend abbé,
dit La

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