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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vrai que pour l’instant, ils ne jetaient guère de
flammes, ses paupières étant à demi fermées et son visage penché en avant.
Quant à son pensement, je n’avais aucune peine à imaginer sa teneur :
l’ennemi à l’est, au nord, au sud, acharné à lui nuire ; à l’intérieur,
les dévots et leur haine mortelle ; les huguenots, toujours prompts à
s’agiter ; les Grands, toujours prêts à brouiller ; et en son Louvre
même, trahi par ses ministres, trompé par ses maîtresses, assailli par les
scènes violentes d’une épouse fort peu affectionnée à lui et au Dauphin ;
atteint par l’usure de l’âge et par les petites misères du corps, guetté
quotidiennement par le poignard et le poison, sentant la mort rôder autour de
lui et redoutant par-dessus tout de laisser derrière lui un roi mineur et une
régente incapable, et qui pis est, fort peu faits pour s’entendre.
    Cette mésentente, Henri la prévoyait et tout haut, tant il
s’en faisait martel. Il l’avait dit à la Reine en présence de Bassompierre qui
avait répété à mon père ce propos qui s’avéra prophétique : « Étant
de l’humeur que je vous connais et prévoyant celle dont votre fils sera, vous
entière, pour ne pas dire têtue, Madame, et lui, opiniâtre, vous aurez,
assurément, maille à départir ensemble. »
    Il y avait assurément de quoi se sentir la mort dans l’âme
et le deuil au cœur et pourtant, me disais-je – belle lectrice, de grâce,
ressouvenez-vous que je n’avais que seize ans –, si j’avais été le Roi,
combien, à juste titre, je me serais paonné de la force de mes armées, de ma
renommée dans le monde, de la pacification du royaume ? Je ne savais pas
encore combien les années et les habitudes usent les joies qui ne nous viennent
pas de nous-mêmes. Et comment aurais-je pu entendre, à mon âge, qu’Henri était
un homme trop supérieur pour ne pas se sentir très au-dessus des vanités de la
gloire et trop sensible pour ne pas éprouver davantage les épines du pouvoir
que ses infinies commodités ?
    Le carrosse approchait de sa destination car, en jetant un
œil par la portière, je reconnus la forêt du Vésinet, que j’avais franchie,
mais en sens inverse, quand j’étais revenu de Saint-Germain, le jour où j’avais
fait le voyage aller sur la gabarre de Bassompierre en compagnie de ses nièces,
de La Surie et de mon père.
    Cette forêt s’étend dans une boucle de la rivière de Seine
(laquelle il faut franchir deux fois pour parvenir à Saint-Germain) et elle
est, par endroits, si marécageuse et partant, réputée si malsaine, qu’aucune
maison ne s’y élève, à part quelques cabanes de bûcherons. Mais le Roi s’y rend
pour chasser, au moins autant qu’en la forêt de Saint-Germain, pour ce que le
gibier y abonde.
    Le Roi, à cet instant, leva la tête. La senteur de la forêt
l’avait réveillé et le chasseur en lui dressa l’oreille. Puis son regard
revenant à l’intérieur du carrosse, il regarda en face de lui ses vieux
compagnons et dit :
    — Vous voilà bien silencieux !
    — Sire, dit le « Prince des Sots » qui
sentait le moment venu de danser sur la corde, Vitry se tait parce qu’étant
plus transparent que vitre, il n’a pas de pensée. Roquelaure se tait, parce
qu’en son for, il compte ses écus. Mais moi, je me tais parce que j’ai retourné
en ma tête un grave problème et l’ai tout à trac résolu.
    — Lequel ? dit Henri qui voulut bien se prêter au
jeu, mais sans grand entrain.
    — Je me suis demandé pourquoi les grands valets de pied
de la reine Marguerite avaient de si longs cheveux d’un blond filasse.
    — Et tu sais pourquoi ?
    — Oui, Sire. La Reine attend qu’ils aient la longueur voulue
et quand cette longueur la satisfait, elle fait tondre lesdits valets, et de
leurs tignasses, elle se fait des perruques.
    Le Roi sourit.
    — À ton avis, Roquelaure, le fol a-t-il dit vrai ?
    — Non, Sire, dit Roquelaure.
    — Et toi, Vitry, qu’en es-tu apensé ?
    — C’est vrai, Sire, dit Vitry.
    — C’est vrai, en effet, reprit le Roi. Eh bien, Prince
des Sots, puisque tu as résolu cette énigme, peux-tu résoudre celle-ci ?
Pourquoi le vertugadin de la reine Margot a-t-il des poches tout autour de sa
circonférence ?
    — Pour y mettre des petits oiseaux qu’elle aurait
apprivoisés à soi, dit Angoulevent.
    — Rien de si poétique, dit le Roi.
    — Pour y mettre des tabatières, dit

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