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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Vitry.
    — Fi donc ! Elle ne prise ni ne chique !
    — De petites boîtes pour y enfermer du musc et des
aromates, dit Angoulevent.
    — Vrai pour le contenant, faux pour le contenu. Or
sus ! Que contiennent ces boîtes ? Siorac ? Roquelaure ?
Vitry ? Mon fol ?
    — Sire, dit Angoulevent. Je veux bien être pendu si je
le sais.
    — Pends-toi, Prince des Sots : ces boîtes
contiennent les cœurs embaumés de ses amants défunts.
    On se regarda, béants.
    — Vrai, Sire ? osa dire à la fin Vitry.
    — Vrai, dit le Roi.
    Ayant dit, il se rencogna dans l’angle du carrosse, ferma
les yeux et retomba dans ses songes. On n’osa ni rire ni piper après cela.
    Au pied de la colline de Saint-Germain, quand il fallut
passer le bac, le Roi préféra mettre pied à terre, ce qu’il n’avait fait pour
aucun des bacs que nous avions empruntés jusque-là, mais celui-ci n’était pas
tant facile d’accès.
    Nous descendîmes à la suite du Roi sur la terre ferme. La
manœuvre du cocher, accompagnée de jurements et de claquements de fouet,
réussit, non sans l’aide de deux valets de malle qui, descendus de leur poste,
tenaient les chevaux de tête par la bricole, ce qui les rassura, car ils
aimaient fort peu mettre le sabot sur un élément aussi fluctuant. Le carrosse
calé, le Roi gagna le bord et, pendant toute la traversée de la rivière de
Seine, parla avec le passeur, aimant s’entretenir avec les petites gens, par sympathie
naturelle, mais aussi pour ce qu’il était curieux de leurs vies.
    N’ayant presque jamais d’argent sur lui, sauf quand il
jouait, il appela Roquelaure pour acquitter le passage, ce que Roquelaure fit
au juste prix, mais non royalement, sachant bien que le Roi ne lui remboursait
jamais ces petits débours. Henri n’ignorait pas combien la charge de grand
maître de sa garde-robe l’enrichissait. J’observai avec amusement qu’il y avait
là deux abus qui ne s’annulaient pas tout à fait. Roquelaure volait le Roi que
pourtant il adorait, et le Roi ne s’acquittait pas de ses dettes envers lui.
    La rivière étant passée, le carrosse se mit au pas pour
gravir la pente raide et fort malaisée qui devait nous conduire jusqu’à la
falaise sur laquelle se dresse le château de Saint-Germain-en-Laye. Henri, que
son entretien avec le passeur avait paru distraire, retomba dans son humeur
noire dont au bout d’un bon quart d’heure il n’émergea que pour nous dire d’une
voix sombre, comme s’il résumait d’une phrase ses longues méditations :
    — J’aimerais mieux être mort.
    Cette phrase tombant des lèvres d’un souverain connu pour
son caractère gai et gaussant nous laissa béants et comme abasourdis et l’on
s’entre-regarda un bon moment avec perplexité avant que Roquelaure osât prendre
la parole. Ce qu’il fit avec beaucoup d’émotion.
    — Comment cela, Sire ? dit-il d’une voix
étranglée. N’êtes-vous pas heureux ?
    — Je le suis moins qu’aucun de vous quatre, dit Henri
en hochant la tête. Et beaucoup moins que ce passeur de bac. Je vous le dis à
la franche marguerite : j’échangerais volontiers ma condition contre la
sienne. Il vit dans une petite cabane au bord de l’eau avec droit de pêche à
l’endroit où son bateau est amarré et droit de chasse jusqu’à un quart de lieue
dans la forêt. Il gagne assez pour manger à sa faim. Il a la compagnie de son
fils, un garcelet de dix ans et de temps à autre d’une bonne garce des champs
qui lui porte le lait. Que rêver de mieux que cette solitude, cette insouciance
et cette tranquillité d’esprit ?
    — Mais, Sire, dit Roquelaure, que deviendrions-nous
sans vous ? Et que deviendrait le royaume ?
    — Ventre Saint-Gris ! dit Henri. Je le sais bien.
Cette sorte de vie n’est pas faite pour les princes. Ils sont nés pour les
peuples sur lesquels ils régnent. Leurs mains sont attachées au gouvernail et
en cette mer qui est la leur, ils n’ont d’autre port que le tombeau et il faut
qu’ils meurent dans l’action.
     
    *
    * *
     
    — Belle lectrice, je vous vois froncer le nez, quelle
mouche vous pique ?
    — Ce que vous venez de conter me laisse perplexe.
N’avez-vous pas un tantinet forcé le trait ? Ou pris des libertés avec vos
souvenirs, ne serait-ce que pour me tirer quelques larmelettes ?
Henri IV a-t-il vraiment dit, quelque temps avant qu’on l’assassinât :
« J’aimerais mieux être mort » ? Comment expliquer qu’Henri en
soit

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