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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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guerre qui les réchauffe : ils répandent partout leur
venin. »
    À ce moment, Mariette entra sans toquer, comme elle en avait
le droit puisqu’elle servait à table, et se planta devant mon père, ses grands
pieds à l’équerre, sa tête ronde rejetée en arrière et son énorme tétin quasi
débordant de son corps de cotte, elle dit avec ce fort accent auvergnat que
tant d’années à Paris n’avaient pas réussi à effacer :
    —  Meuchieu, il y a dans la cour une cheu ne
poule laitée qui a requis l’entrant à Franz et d’après ce que ch’ai ouï,
il demande à vous voir.
    — Une poule laitée ? Juste Dieu, Mariette,
qu’est-ce que tu entends par là ?
    — Qu’il est tout en bouclettes et en rubans, n’a pas
plus de trois poils au bec et se dandine en marchant. Toutefois, il est fort
poli.
    À ce moment, on frappa à l’huis, et sur l’entrée que lui
cria mon père, Franz apparut et dit, sur un ton de révérencieuse
cérémonie :
    — Monsieur, il y a là un page du Roi qui demande à vous
voir et à vous remettre un message de Sa Majesté.
    — Fais entrer, Franz, dit mon père.
    Étant ce matin d’humeur si joueuse et joyeuse, cela m’eût
ébaudi de voir paraître Romorantin et d’écouter son affecté babil. Mais le
nouveau venu était de moi tout à fait déconnu et je ne saurais dire s’il
appartenait à l’espèce des « jeunes poules laitées », bien qu’il
contrariât d’évidence l’idée que Mariette se faisait d’un homme. Il est vrai
que son mari, le cuisinier Caboche, était une sorte de grand singe velu,
presque aussi large que haut.
    — Messieurs, dit le page, après nous avoir salués à
profusion, les plumes de son chapeau balayant le sol – et Mariette demeurant
sur le seuil, les bras croisés sur son ventre, ne perdant pas une miette de ces
cérémonies –, je suis votre très humble serviteur. Lequel d’entre vous,
Messieurs, est le Chevalier de Siorac ?
    — Moi, Monsieur.
    — Alors, c’est à vous, Monsieur, en main propre et
parlant à votre personne, que je dois remettre cette lettre-missive de Sa
Majesté.
    Là-dessus, il me fit un autre salut à moi seul destiné.
    — Je vous remercie, Monsieur, dis-je, en recevant le
pli.
    — Monsieur, dit mon père, voulez-vous, sans tant de
façons, partager notre collation ?
    — Grand merci, dit le page, j’en eusse été furieusement
charmé, mais cela ne se peut. J’ai un autre pli à porter et le temps
m’éperonne.
    Il sourit, l’œil en fleur, et parut si content de sa
métaphore qu’il la répéta.
    — Le temps, hélas, m’éperonne. Monsieur, je suis votre
très humble serviteur.
    — Eh quoi, mon fils ! dit mon père, dès que le
page se fut envolé, un pli du Roi, derechef, à vous-même ! À votre
âge ! Vramy, quel grandissime honneur ! M’avez-vous supplanté,
poursuivit-il sur un ton de feinte jalousie qui, peut-être, n’était pas
entièrement feinte, dans les bonnes grâces de Sa Majesté ? Dois-je
envisager déjà de prendre retraite pour vous quitter la place ?
    — Mon mignon, dit La Surie, je vous vois tout interdit
et la main trémulante. Eh bien, ouvrez le pli, ouvrez-le, de grâce ! Ce ne
peut être qu’une bonne nouvelle, puisque le Roi a pris la peine de vous écrire.
S’il vous voulait embastiller, il vous eût envoyé Monsieur de Vitry.
Rassurez-vous, ce n’est pas encore demain qu’on posera votre tête charmante sur
le billot. Or sus ! n’hésitez plus ! N’avez-vous pas la conscience
tranquille ? Rompez-moi ce cachet ! Que craignez-vous ?
Serait-ce que vous avez commis, à la dérobée, quelque volerie, forcé fillette,
ou bougeronné un enfant de chœur ?
    — Miroul ! dit mon père.
    Je rompis à la fin le cachet royal, dépliai la lettre, la
lus, restai sans voix et dus perdre aussi quelque couleur car mon père emplit
un verre de vin et, sans un mot, me le tendit. Je le bus d’un trait et m’assis.
Mes jambes ne me portaient plus.
    — Eh bien ! dit La Surie, que la curiosité quasi
étouffait.
    — Le Roi, dis-je d’une voix éteinte, part pour
Saint-Germain-en-Laye. Il désire m’emmener avec lui et me commande de me
trouver au Louvre ce jour d’hui sur le coup de onze heures.
    — Et vous dit-il, poursuivit La Surie, combien de temps
il y demeurera ?
    — Quatre nuits.
    — Jour de Dieu ! dit La Surie. Quatre nuits !
Cela veut dire que vous coucherez quatre nuits au château !
    — Monsieur, dit mon

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