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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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querelle avec le
Baron de Montglat et d’un petit bâton le frappe sur les doigts. Madame de Montglat
s’en fâche. Louis s’en fâche aussi. Il la bat. Il l’appelle
« chienne » et « vilaine » et sort de la pièce à la furie.
On le suit, on tâche de l’apaiser. Il craint d’être fouetté le lendemain par
Madame de Montglat. Une bonne âme lui assure qu’il n’en sera rien,
ajoutant :
    — Monsieur, il faut que vous ne soyez pas fâché contre
elle, n’ayant pas à être long céans avec elle.
    — Oh ! dit-il, j’en voudrais déjà ête dehors !
    Et appelant à son côté Mademoiselle de Vendôme [36] , il lui dit, parlant bas à son
oreille :
    — J’aurai un bâton qui sera creux. Je le em plirai
tout de pou de, puis je le mettrai sous sa cote et puis ave un cha bon, j’allume ai la pou de qui li bu lera
tout le cul.
    Quand je contai la chose à La Surie, il s’en esclaffa comme
fol et dit :
    — Il m’en vient deux vers que je vais vous dire :
     
    Ainsi
se vengera
    Sur
le derrière adulte un derrière enfantin.
     
    — Il manque un hémistiche au premier vers, dit mon
père, et la rime fait défaut.
    Louis n’était pas « grand parleur », comme il
disait lui-même, n’arrivait pas toujours à prononcer les « r » et
n’était pas guéri de son bégaiement : défaut qu’avec fort peu de jugeote,
on pensa d’abord traiter par le fouet. Mais il fallut y renoncer : on eût
dû trousser le pauvret du matin au soir.
    Mais parlant peu, Louis observait beaucoup, écoutait ce qui
se disait autour de lui et sa mémoire retenait tout. Un jour, étant fâché
contre ses petits gentilshommes, il eût voulu qu’on les fouettât. Et Madame de
Montglat lui ayant dit qu’il lui fallait leur pardonner, et que le Roi
pardonnait à tout le monde, il répliqua :
    — À tout le monde ? Il n’a pas pa donné au
Ma é chal de Bi on .
    Ayant un an à l’époque, c’était par ouï-dire qu’il avait
appris la décollation de Biron, mais il ne l’avait pas oubliée. Pas plus qu’il
n’avait failli à déceler, comme on va voir, le défaut mignon de Madame de
Montglat.
    Peu avant le premier janvier, ayant fait casser un petit
bloc de glace en plusieurs morceaux, il les vend un sol la pièce à son
entourage afin d’avoir de l’argent pour donner à ses pauvres. Il serre ce
trésor (sept sols) dans la pochette de ses chausses, mais le lendemain,
rencontrant lesdits pauvres, il ne trouve plus les monnaies dans ses chausses.
Il en est fort dépité et pleure à chaudes larmes. Le docteur Héroard, pour le
consoler, lui parle des étrennes que son épouse lui va donner. Il veut les voir
sur l’heure. C’est une boîte de très beaux abricots, mais Madame de Montglat
les lui ôte aussitôt des mains en disant :
    — Monsieur, ce sera pour vous. Je m’en vais les serrer.
    — Oh ! Oh ! dit le Dauphin. Vela [37]  ! Je ne les verrai
jamais ! Elle serre tout ce qu’on me donne ! Elle dit que c’est tout
pour moi, mais vela ! je ne vois jamais rien !
    Il lui dit ainsi son fait, non pas à elle, mais devant elle,
non sans finesse ni sans circonspection. Il n’affirmait pas qu’elle lui avait
pris aussi les sept sols dans ses chausses : il le laissait entendre. De
reste, il se pût bien que ce fût vrai. La Baronne de Montglat était une vraie
fourmi. Elle ramassait tout ce que ses pattes pouvaient saisir et, à pas menus,
courait les cacher dans son trou. Tout généreux que le Roi fût avec elle et si
comblée par lui qu’elle fût de dons, de pensions et de gratifications, ce ne
fut pas encore assez : en quittant Saint-Germain-en-Laye, elle lui
réclama – au grand scandale de l’intéressé – la vaisselle d’argent du
Dauphin.
    La dame avait de grandes jambes, mais faisait de petits pas.
Elle économisait tout, même son souffle, et vécut longtemps. À sa mort, on
trouva, en son hôtel, où, quoique fort riche, elle vivait à petits frais avec
une seule servante, un prodigieux amas d’objets précieux : le butin de
toute une vie.
    Je ne sais si l’on doit incriminer la rigueur d’une
gouvernante fouettarde et avaricieuse, ou le peu d’affection que lui montrait
une mère distante et dure, ou encore les mises en garde d’un confesseur trop
zélé, mais Louis, à ce que me dit Héroard, se trouvait loin de ressentir pour le
«  gentil sesso [38]  »
le puissant attrait que son père avait éprouvé toute sa vie. À quatre ans, il
leva un jour la

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