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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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retourner à Paris sur
le coup de midi. Le carrosse l’attendait déjà devant la grande porte et, sur les
marches de l’escalier, toute la petite cour de Saint-Germain se trouvait là,
rassemblée pour lui faire honneur et lui dire adieu. Louis accompagna son père
au bas des marches, le visage pâle, triste et fermé. Au moment de le quitter il
parut interdit, les lèvres tremblantes et comme incapable de parler.
    — Eh quoi ! Mon fils ! dit Henri. Vous ne
dites mot ! Vous ne m’embrassez pas quand je m’en vais ?
    Louis se prend alors à pleurer sans éclater, tâchant de
cacher ses larmes devant si grande compagnie.
    Le Roi change de couleur et, à peu près pleurant lui aussi,
le prend, le baise, l’embrasse et lui dit : « Je vous dirai comme
Dieu dit dans l’Écriture Sainte : mon fils, je suis bien aise de voir ces
larmes. J’y aurai égard. »
    Ce fut une scène fort brève quant à sa durée, mais d’une
grande intensité. Parmi tous ceux qui étaient là, pas un mot. Vous eussiez ouï
tomber une épingle. Sans se retourner, le Roi entra d’un pas vif dans le
carrosse et Louis remonta l’escalier en courant tant il craignait qu’on vît ses
larmes.

 
CHAPITRE VIII
    Mon grand-père, le Baron de Mespech, avait tenu et tenait
toujours, en son grand âge, un « livre de raison », sur lequel il
consignait les événements, grands et petits, qui échéaient à sa famille, à
lui-même et à ses gens. J’y figure à la date du 20 septembre 1607 :
« Mon fils Pierre m’apprend par lettre-missive que mon petit-fils,
Pierre-Emmanuel de Siorac, a été fait Chevalier par le Roi. Cet honneur honore
la perspicacité de celui qui l’a baillé : Pierre-Emmanuel servira bien son
souverain. Il est sérieux, studieux et, ce qui le rend fort aimable, plein de
vie et de sève. » Une note fort touchante était ajoutée en
post-scriptum : « Je prie Dieu que Pierre-Emmanuel me revienne voir
avec son père à Mespech avant que les cyprès me prennent dans leur nuit. »
    Je tiens, quant à moi, non « un livre de raison »,
mais, comme on dit ce jour d’hui : un journal. Et, en le feuilletant, ce
que je fais souvent en écrivant ces Mémoires, j’y trouve, à la date du
8 décembre 1608, une succincte entrée : « Hier, retour de
Saint-Germain-en-Laye. Récit. Père ému. La Surie ébaudi. Damnable gausserie de
La Surie. Billet. Je suis au comble de la joie. »
    Recherchant en la gibecière de mes souvenirs ce que ces
quelques mots évoquent, je ne laisse pas d’être étonné par la capricieuse
alchimie de la mémoire. Car la plaisanterie de La Surie – à laquelle je
n’attachais aucune importance et que je trouvais damnable – me revient
plus vite à l’esprit que le « billet » qui m’avait donné tant de
joie : « On ne peut être que surpris, avait dit La Surie, quand on
connaît la réputation de la reine Margot, que ce soit les cœurs de ses défunts
amants qu’elle ait choisi d’embaumer. – Miroul ! » dit mon père.
Sa voix et la réprobation dont elle était chargée me résonnent tant d’années
après à l’oreille et soudain, tout me revient, y compris ce billet arrivé en
mon absence et que mon père ne me remit qu’une fois mes récits terminés,
jugeant, non sans raison, que je les eusse écourtés, s’il me l’avait donné
d’abord. Ce billet, je l’ai recherché avec diligence dans mes cassettes. Le
voici, un peu jauni par l’âge :
     
    « Monsieur,
     
    « C’est à votre courtoisie que je dois tant d’excuses
si joliment tournées pour un faux bond où vous ne fûtes pour rien. Je serais
bien ingrate envers ce grand Roi, si fidèle ami des miens, si je n’entendais
pas que son service ne peut qu’il ne passe avant mes leçons. Je suis, au
demeurant, fort touchée de la merveilleuse impatience où je vous vois
d’apprendre la langue qui est la mienne. C’est de nouveau avec le plus vif
plaisir que je vous recevrai le lundi six décembre, sur les trois heures de
l’après-midi. Je vous prie de me croire, Monsieur, votre humble et dévouée
servante.
    Ulrike von
Lichtenberg. »
     
    Quand, ayant lu ce billet, en rougissant quelque peu, je le
tendis à mon père, il dit, après l’avoir parcouru :
    — J’aime ce ton. Il vous fait sentir toute la
différence entre la grandeur et la hauteur.
    — Et quelle est-elle ? dit La Surie.
    — Henri est grand. Marie est haute. Henri ne rappelle
les distances où les autres sont

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