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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de la mathématique où, grâce à Monsieur
Martial, j’avais quelques lumières, je pus répondre à son attente.
    Je dois dire que je fus assez émerveillé de le voir au
jardin interroger sans relâche les maçons et charpentiers ; aux écuries,
les cochers et palefreniers ; et aux cuisines, les chefs et gâte-sauce,
tant il était avide d’apprendre comment « se faisaient les choses ».
Il ne se contentait pas, de reste, de recettes. Il fallait qu’il mît la main à
la pâte. Madame de Guise, qui le vint voir pendant que j’étais à
Saint-Germain – faisant d’une pierre deux coups –, s’étant plainte
devant lui d’avoir faim, il lui cuisit en un tournemain une omelette qu’elle
trouva fort réussie.
    Le samedi six décembre, à sept heures du matin, alors que je
finissais de m’habiller, un valet vint toquer à ma chambre, m’apporta un
bouillon et du beurre frais étendu sur deux tranches de pain, ralluma mon feu,
sortit, revint avec une écritoire qu’il posa sur un petit secrétaire et, me
disant que Sa Majesté m’allait venir trouver, me salua jusqu’à terre à
plusieurs reprises, comme si j’avais été un prince du sang.
    Je trouvais que c’était presque trop d’honneur que le Roi me
faisait en me venant voir en ma chambre au lieu de m’appeler à lui, mais ce
mystère s’éclaircit dès que, pénétrant chez moi, fermant l’huis derrière lui et
poussant le verrou, il me dit qu’il m’allait dicter pour le roi d’Angleterre
une lettre confidentielle, laquelle je devrai traduire dans la langue de ce
souverain, garder quasiment contre ma peau tant que je serai céans. Monsieur
Déagéan, dès mon retour à Paris, venant chez moi pour m’apprendre à la
chiffrer. Après quoi, Déagéan l’emporterait et tous brouillons brûlés, je
devrais même en effacer le souvenir de ma remembrance.
    Cette dernière clause paraissait la plus malaisée à
respecter, mais il faut croire que j’y parvins, car ce jour d’hui, tandis que
j’écris ces lignes, je serais bien incapable de satisfaire la curiosité du
lecteur et de répéter un traître mot de cette missive. Il est vrai qu’en politique,
les secrets de la veille deviennent au fil des jours, et parfois même dès le
lendemain, des sujets rebattus.
    Quand j’eus fini ma tâche, à peine eussé-je mis dans le feu
de ma cheminée la version française de la lettre et serré, non pas tout à fait
contre ma peau, mais dans ma poche de chemise, la version anglaise, qu’on vint
m’appeler de la part du Dauphin. Je me hâtai de le rejoindre dans sa chambre où
je le vis occupé à copier avec la plume et l’encre un grand portrait de son
père. Il voulait connaître mon avis sur son œuvre. Je lui dis que c’était bien,
mais qu’il fallait changer la prunelle droite du Roi et la pousser un peu vers
la gauche, sans quoi il loucherait. Ce qui le fit rire. Après quoi, il me dit,
le ton sérieux, mais l’œil animé et comme se moquant de lui-même :
    — Savez-vous, Sioac, que je suis aussi poète ? Vela que je fais des vers !
    — Vraiment, Monsieur ?
    — Les vela. Je les ai faits cet été, en
août :
     
    Allons
au jardin des gazelles
    Cueillir
des groseilles.
     
    N’est-ce pas bien rimé, Sioac ?
    — Monsieur, ce n’est pas une rime. C’est une assonance.
Pour rimer avec « groseille », il faudrait mettre
« abeille ».
    Il n’en fit que rire, sans m’en vouloir du tout de ma
franchise. Je l’avais déjà observé : il savait flairer la flatterie et ne l’aimait
pas. En outre, la poésie n’était pas un talent dont il se piquait. Il eût été
bien plus marri, si Madame de Guise avait trouvé à redire à son omelette.
    Pendant les quatre jours que le Roi passa à
Saint-Germain-en-Laye, Louis le vit plusieurs fois par jour. Il se promenait
avec lui dans le jardin, oyait la messe à ses côtés, suivait ses chasses en
carrosse, dînait avec lui souvent et, quand ce n’était pas le cas, trouvait
avec un soupir que « Papa était bien long à table », ayant soif de le
revoir, même s’il n’y avait pas deux heures qu’il l’avait vu. En toutes ces
rencontres, il n’y avait pas faute de mains tenues, de tendres regards,
d’accolades et de baisers. Toutefois, Henri avait aussi le souci de son
instruction. Le voyant reculer devant un chien qui montrait les dents, je
l’ouïs lui dire d’un ton sévère :
    — Il ne faut pas avoir peur.
    Le dimanche vint, le Roi s’en devait

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