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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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elle, des chasseresses.
    — Mais que docte vous êtes, Siorac ! dit
Romorantin, en me serrant le bras avec tendresse. Bref, on prétend que ces
nymphes choisies par la Reine sont les vingt plus belles filles de la cour.
Raison pour laquelle la Des Essarts voulait être en leur sein admise :
faveur par le Roi promise et par la Reine compromise… Siorac, comment
trouvez-vous ce giòco ?
    —  De la dernière gentillesse.
    — Savez-vous que je l’ai fait quasiment sans y
penser ? Ils me viennent au bout de l’esprit comme le lait au tétin d’une
nourrice. Bref, point de ballet pour la Des Essarts. Elle est furieuse contre
le Roi et le Roi furieux contre la Reine, et pour manifester son ire, il boude
les répétitions, lui qui, en d’autres temps, eût raffolé de ces ébats et
d’autant plus que les mijaurées dansent excessivement dévêtues.
    — Les avez-vous vues ?
    — Hélas, bien forcé ! Elles répètent dans la
Grande Galerie et il faut passer par là pour gagner le cabinet du Roi.
Ah ! Chevalier ! Quel peu ragoûtant spectacle que de voir ces
enragées femelles étalant partout leurs appas tremblotants… Et d’ailleurs, vous
les verrez aussi. Nous allons passer par là.
    — Je m’en réjouis.
    — Ah ! Siorac ! Vous me décevez ! dit
Romorantin en me lâchant le bras et en me faisant la mine. Je vous eusse cru
composé de matière plus subtile.
    — Je suis comme je suis, dis-je en riant : Les
appas que vous dites tremblotants me donnent fort dans la vue.
    — Fi donc ! dit Romorantin, ces goûts-là sont du
dernier commun ! Il n’est vil animal qui n’ait les mêmes !
    — Vil animal donc je suis, dis-je assez roidement,
ainsi que votre grand-père Salignac, votre père et le Roi.
    — Ah ! Siorac ! dit Romorantin saisi de contrition
à cette petite rebuffade, pardonnez-moi, de grâce, ma vivacité. J’ai parlé à
l’étourdie et sans vouloir vous offenser.
    — Vous ne m’avez pas offensé, Marquis, dis-je en
souriant : Je vous tiens pour un gentilhomme fort raffiné, sans que je me
sente coupable de l’être moins que vous.
    — Allons ! Vous vous gaussez ! dit-il, mais
sans manquer de laper comme petit-lait mon petit compliment.
    Quatre huissiers chamarrés de haute taille défendaient
l’entrant de la Grande Galerie contre une foule de courtisans qui se tenaient
là, oisifs et clabaudeurs, dans l’espoir d’entr’apercevoir, quand la porte
s’ouvrirait, fût-ce l’espace d’un éclair, les nymphes de Diane. Haussant fort
haut le bec tout petit qu’il fût, Romorantin cria, de sa voix de fausset :
« Gare ! Gare ! », en fendant la cohue de ces « vils
animaux » travaillés, à l’évidence, de passions si « communes ».
Parvenu devant les huissiers, il dit noblement : « Service du
Roi ! » Les huissiers se baissèrent pour le regarder sous son chapeau
et, l’ayant reconnu, ouvrirent la porte, laquelle ils eurent toutes les peines
du monde à refermer ensuite, tout géantins qu’ils fussent, tant la presse était
grande.
    Quant à nous, avec des émotions diverses, nous nous
trouvâmes dans le saint des saints, si j’ose du moins employer ce terme pour
désigner un lieu que la présence d’une vingtaine de filles bien nées, belles et
jeunes, transformait en temple de la femme, sous la direction d’un maître de
ballet qui me parut à peine appartenir au sexe opposé, tant son maintien était
maniéré et ses gestes, précieux.
    La traversée de cette longue galerie fut assurément une
épreuve pour Romorantin qui, me précédant, ôta son couvre-chef et, le mettant
devant son visage afin de ne voir que ses pieds, pressa fort le pas pour se
mettre le plus vite à l’abri de ce peu ragoûtant spectacle. Quant à moi, je le
suivis très à la nonchalante, le chapeau au bout du bras et quasi sur la pointe
des pieds, faisant le discret et le modeste, tandis que mon œil avide ne savait
plus où darder ses regards, tant il voyait là de délices et de suavités.
    Les nymphes de Diane, étant chastes et chasseresses,
brandissaient des javelots dorés, sans doute pour transpercer nos trop tendres
cœurs d’hommes et se trouvaient vêtues de tuniques si courtes qu’elles
dégageaient le haut des cuisses. Ce vêtement était taillé, pour nous damner
plus outre, dans un tissu si délié et si lâche qu’il laissait deviner les
linéaments de leurs corps juvéniles. On ne pouvait que sentir les nymphes
heureuses d’être, pour

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