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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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léger dans la légèreté. Il séduisait les dames quasi sans y penser,
par sa gaîté, son insouciance et son audace irréfléchie.
    — Admirables ! dis-je pour répondre à sa question
sur les nymphes.
    — Nenni ! Nenni ! dit Bellegarde toujours
riant. L’adjectif ne peut qu’il ne soit réservé à Mademoiselle de Montmorency.
Je dirais davantage : là où elle est, les autres ne sont rien… Et qui l’a
vue au bal de votre bonne marraine, ne l’a pas vue, ce qui s’appelle vue, car
elle était alors habillée et quelque méritoire effort qu’elle fît pour montrer
ses jambes – en dansant avec vous la volte, grand ribaud que vous
fûtes ! – on ne pouvait discerner toutes ses perfections. Il fallut
qu’elle fût vêtue ou plutôt dévêtue en nymphe, pour qu’enfin on lui rendît
justice. Hélas ! Comme vous le savez sans doute, Chevalier, Nous n’assistons pas aux répétitions. En fait, Nous boudons, la Reine n’ayant
pas voulu Nous faire la grâce d’accepter Mademoiselle des Essarts parmi
les nymphes. Tant est que tant de beautés sont perdues pour Nous. Or
sus ! Chevalier, venez ! Le Roi vous attend chez Monsieur le Dauphin.
Il est dans ses humeurs et sa patience est courte. La Reine le contreboude. La
Des Essarts lui ferme sa porte, et le pauvre ne sait plus à qui donner son
cœur.
    Toutefois, le Roi ne me parut si malengroin que Monsieur le
Grand l’avait dit. Dans la pièce qui servait à Louis de salle de jeux, il était
à genoux sur le carreau devant une grande fortification en carton qui figurait
les remparts d’une ville – Amiens, à ce que j’appris ensuite – et il
montrait à son fils comment il fallait placer ses petits canons pour qu’ils
pussent battre au mieux les murailles.
    À ma vue, Louis se mit sur ses pieds, courut à moi et me
sauta au cou. J’en rougis de bonheur et, sans m’autoriser de sa familiarité, je
lui baisai la main, le cœur me battant de l’inouïe faveur qu’il me montrait.
Cependant, le Roi, s’étant mis debout, paraissait observer avec plaisir, et
cette générosité d’affection qui se voyait en Louis et la vive émotion qu’elle
m’avait donnée. Le Roi à son tour m’accola, m’appela son « petit
cousin » et dit au Dauphin qu’ayant affaire à moi, il confiait à Monsieur
le Grand le soin, en son absence, de l’aider à conduire le siège d’Amiens.
    —  Meuchieu le Gand y était-il ? dit
Louis.
    — Oui-da ! Et le père de Siorac aussi, et le
Connétable, et Mayenne.
    J’observai que le Roi ne mentionnait pas le Maréchal de Biron
qui s’y trouvait aussi.
    —  Meuchieu mon père, dit Louis, e viendrez-vous ?
    Il avait réussi à prononcer l’« r » de
« père », mais l’« r » initial de
« reviendrez-vous » s’était avéré trop rocailleux pour lui.
    — Je reviendrai, dit le Roi, et jetant son bras
par-dessus mon épaule, il m’entraîna dans la chambre du Dauphin où la première
chose que je vis fut une écritoire dressée sur une petite table vers laquelle,
sans façon, le Roi me poussa, après avoir fermé l’huis sur nous.
    Je m’assis. Les plumes étaient taillées. J’en choisis une et
la trempai dans l’encre, mais la dictée ne vint pas aussitôt. Henri marchait
comme à l’accoutumée de long en large dans la pièce, mais paraissait souffrir à
chaque pas, tant sans doute sa goutte lui travaillait les genoux. Comme mon
pauvre roi, à cet instant, me parut gris, vieilli, maigri, ridé, son grand nez
Bourbon retombant plus que jamais sur ses lèvres !
    — Louis vous aime, dit-il en s’arrêtant et en me
dévisageant de ses yeux lumineux. Il faut l’aimer aussi.
    — Ah ! Sire ! Pouvez-vous en douter ?
    — Et lui être fidèle, comme votre père l’a été à moi.
Il aura grandement besoin d’amis après ma mort.
    — Ah ! Sire ! dis-je, les larmes me montant
aux yeux qu’il parlât de nouveau de sa disparition. Vous savez bien, de reste…
    — Je le sais. Et c’est pourquoi tu es ici,
poursuivit-il en me tutoyant pour la première fois.
    Il reprit sa marche, grimaçant à chaque pas, puis,
s’arrêtant derechef, il dit :
    — J’ai pardonné la trahison d’Épernon, celle de
Bouillon et celle du Comte d’Auvergne. Mais je n’ai pas pardonné celle de
Biron. Sais-tu pourquoi ?
    — Non, Sire.
    — Biron avait de grands talents militaires. Et je
craignais qu’après moi, étant si rebelle en sa complexion, il en usât contre
mon fils. Il

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