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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Princesse estimait qu’il n’y avait rien dans
le royaume de plus haut qu’elle, à part la Reine, et rien non plus de plus
beau, de meilleure grâce, ni plus parfaite, ni possédant plus d’esprit et
qu’elle était, par conséquent, très au-dessus de ceux et de celles qui se
trouvaient là. Elle ne fit qu’effleurer ma joue pour ne pas gâter le rouge
qu’elle avait sur ses lèvres, mais bien que j’entendisse ce que ce baiser
comportait de hauteur à l’égard des autres, et de semi-indifférence à mon
endroit, je lui en sus gré. À la bien observer, elle montrait un front plus gai
et une lèvre plus souriante qu’à l’accoutumée, se peut pour qu’on ne pût
soupçonner le dépit que lui donnait le mariage de Bassompierre avec
Mademoiselle de Montmorency. C’est du moins ce que je crus entendre, car elle
fut de glace avec le Comte quand il vint la saluer.
    Après ce baiser, je me trouvai dans la ruelle, je ne sais
comment, prisonnier de quatre ou cinq vertugadins qui, bien qu’ils ne fussent
pas plus volumineux que les autres, m’enserraient de toutes parts dans leur
ardeur à s’approcher de la couche royale et à mieux voir Sa Majesté, de sorte
qu’il vint un moment où je ne pus plus ni avancer ni reculer. Ce prédicament
était d’autant plus ridicule que je ne connaissais point les dames qui me
pressaient ainsi, lesquelles, ne me connaissant point non plus, feignaient de
croire que je fusse invisible. Noémie de Sobole s’aperçut de mon embarras et,
fendant la cohue vertugadine avec sa coutumière vigueur, elle me prit par le
bras avec autorité, me tira sur le côté et, dès que nous fûmes hors de cette
marée moutonnante de satin et de brocart, me dit d’une voix à la fois sifflante
et chuchotée :
    — Je ne sais, Monsieur, si j’ai bien fait de vous
délivrer. Nous sommes contre vous dans une épouvantable colère.
    — « Nous », Madame ? Qui est ce
« nous » ?
    — La Duchesse et moi-même.
    — Et qu’ai-je fait pour mériter cette ire à deux
têtes ? Je dis cette « ire » et non cette « hydre ».
    — Nous sommes allées deux fois en votre logis, la
deuxième fois, le lundi passé, et nous ne vous avons pas trouvé.
    — C’est donc que j’étais sorti.
    — Monsieur, vous vous gaussez, je pense.
    — Si ma bonne marraine m’avait prévenu, je serais
demeuré au logis.
    — Votre père et Monsieur de La Surie étant aussi
absents, nous avons appris de Mariette que vous sortiez les lundi, mercredi et
vendredi de chaque semaine dans un carrosse de louage.
    — C’est vrai, dis-je sèchement.
    — Monsieur, vous voilà tout soudain bien abrupt. Passe
encore avec moi, Monsieur, mais Madame la Duchesse vous ira demander la raison
de ces cachottes.
    — Elle est simple : je passe ces après-midi chez
mon maître d’allemand et si je vais chez lui, c’est qu’il est vieil et podagre.
    — Monsieur, quel est cet ancien Grec dont vous m’avez
parlé et qui, ayant été changé en femme par une déesse, connut ainsi de deux
façons différentes les délices de l’amour ?
    — Tirésias.
    — Votre maître d’allemand est donc une sorte de
Tirésias.
    — Qu’est cela ? dis-je avec un haut-le-corps.
    — Toinon nous a dit que ce maître est, en fait, une
maîtresse d’école et, se peut même, une maîtresse tout court.
    — Madame, dis-je, sotto voce, mais la voix
tremblante de colère contenue, sommes-nous mariés ? Vous ai-je donné ma
foi ? Et qu’avez-vous affaire à ces ragots de cuisine ?
    — Moi, rien, dit-elle et me jetant à son tour un regard
furieux, elle secoua ses cheveux rouges comme si chacune de ses tresses était
un serpent et ajouta : Ne sais-je pas assez que vous ne m’avez fait aucune
promesse ? Et que je n’ai aucun droit sur vous ? Mais vous le
prendrez peut-être de moins haut, Monsieur, avec votre bonne marraine ! Et
jour de Dieu, comme j’aimerais être là quand cet orage-là crèvera sur votre
tête !
     
    *
    * *
     
    Les dames partirent dans un grand froissement et chatoiement
de leurs vertugadins, laissant derrière elles leur parfum, mais privant soudain
la chambre royale de la couleur, de la chaleur et de la vie qu’elles avaient
amenées avec elles. Quand on n’entendit plus leurs voix claires, leurs rires
filés, leurs exclamations pétulantes, Henri, qui s’était animé en leur
présence, reposa la nuque sur ses oreillers, parut quelque peu las et ferma les
yeux. Bassompierre en

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