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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’œil baissé, et si
plongé dans ses pensées qu’il fut médiocrement heureux quand son confesseur, le
père Cotton, entra dans sa chambre et, par sa présence, le retira de ses rêves.
    Le père Cotton, théologien jésuite des plus éminents, était
un petit homme rond, si moelleux qu’ont eût pensé à le voir que son nom était
un surnom. Il était si poli que, même dans ses prêches contre les huguenots, il
appelait Calvin « Monsieur Calvin » et protestait ne pas haïr les
calvinistes, tout en détestant leurs erreurs : son de cloche bien
inhabituel dans cette Compagnie de Jésus à laquelle il appartenait. Mais je dis
trop en parlant de cloche, dont le son était assurément trop rude, comparé à la
voix flûtée du père Cotton, si mélodieuse et si suave qu’on avait l’impression
qu’elle vous fondait dans l’oreille.
    Dans un petit livre qu’il venait de publier et qui
s’intitulait «  Intérieure occupation d’une âme dévote  », sa
religion se montrait sous un aspect si plaisant et si peu condamnant qu’elle
avait plu aux dames de la cour, même les plus dissipées, tant est qu’il se murmurait
sous le manteau que ce doux mouton-là ramènerait au bercail les brebis égarées.
    Le père Cotton buvait cependant à de plus âpres philtres et
s’intéressait fort à la démonologie. Une fille originaire de Guerbigny, près
d’Amiens, ayant été possédée par le diable qui, s’étant introduit en elle par
la fornication, s’y était à demeure installé et parlait par sa voix, le père
dressa une liste de questions fort curieuses et précises à poser audit diable,
afin d’être éclairé sur ses pratiques, ses magies et surtout sur le pouvoir
particulier qu’il exerçait sur les femmes.
    Le père Cotton ne marchait pas : il glissait. Il
n’entrait pas dans une pièce : il s’y faufilait, les mains modestement
croisées sur son petit ventre rond et la tête baissée. Avec lui entraient en
même temps dans la chambre royale l’humilité, la douceur, l’amour du prochain,
le pardon des injures, sinon tout à fait leur oubli. Confessant le Roi une fois
par mois, il avait fort à faire à nettoyer son âme des irrégularités de sa vie
et qui pis est, sans espoir de la trouver moins souillée le mois suivant. Le
père Cotton soupirait, admonestait suavement Henri et lui donnait enfin
l’absolution, peu certain, au demeurant, qu’elle fût valable, le royal pénitent
étant si peu contrit. Toutefois, d’après mon père, Henri était chrétien
sincère, sinon catholique tout à fait convaincu, acceptant mal la Vierge, les
saints, les indulgences, la simonie et le pouvoir que les papes s’arrogeaient
sur les souverains de la chrétienté.
    — Sire, dit le père Cotton de sa voix chuchotée,
comment allez-vous ?
    — Mal, merci, mon père, dit le Roi.
    À ce début, le père Cotton sentit que sa visite dérangeait
le Roi et avec son tact coutumier, il décida d’être bref.
    — Sire, dit-il, est-ce le désir de Votre Majesté d’être
confessé et communié ?
    — Ventre Saint-Gris, mon père ! dit le Roi.
Suis-je à l’article de la mort pour qu’on me baille l’extrême-onction ?
    — Nenni, Sire, tout un chacun sait bien que la goutte
n’est pas mortelle.
    — Ce qui ne m’empêche point de souffrir mal de mort.
    — Sire, je vais prier Dieu qu’il atténue vos douleurs.
    — Merci, mon père.
    — Et je prierai aussi les saints qui sont réputés
guérir la goutte.
    — Les saints ? dit Henri en haussant les sourcils
d’un air quelque peu gaussant. Y en a-t-il donc plusieurs pour cette seule
maladie ?
    — Oui, Sire, il y en a vingt-trois en ce seul royaume.
Tous répertoriés.
    — Vingt-trois ? Vingt-trois saints pour guérir la
goutte ?
    — C’est que la goutte, Sire, est un mal fort répandu et
que chaque province, en ce royaume, veut avoir un saint qui le guérit.
    Cette précision fit sourire le Roi dans sa barbe.
    — Et allez-vous les prier tous pour moi ?
    — Assurément, Sire, il le faut. Dans ce genre
d’affaire, il ne faut oublier personne, sous peine d’offenser.
    — Mon père, dit le Roi (avec une gravité feinte ou
jouée, je ne saurais dire), je vous sais gré de ces vingt-trois prières et j’y
aurai égard.
    Et il tendit sa main à baiser au père Cotton, lui signifiant
par là que l’entretien était fini. Néanmoins, le « j’y aurai égard »
avait contenté le père. Le Roi avait promis à la

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