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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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qu’il y pouvait trouver,
il se leva et recommença ses voltes et virevoltes dans la pièce, mais en
silence, et d’un air plus pensif, comme se réfléchissant à soi. À un moment, il
s’approcha d’un miroir de Venise qui pendait au mur et s’envisagea avec attention,
ce qui, à mon sentiment, n’avait pas dû lui arriver souvent, tant il était
négligé dans son apparence.
    — Ma barbe est grise, dit-il, ajoutant, mi-figue,
mi-raisin : le vent de mes adversités a passé dessus. Siorac,
poursuivit-il après un silence, penses-tu que je me la devrais teindre ?
    — Je ne sais, Sire, dis-je, très à la prudence. Mais
peut-être la pourriez-vous faire tailler avec plus de soin.
    — Et ce pourpoint ? reprit-il. Qu’en es-tu
apensé ?
    — Pas trop neuf. Sire. Et il y a des taches de sueur
sous les bras.
    — C’est ma foi vrai ! dit-il avec un air
d’étonnement, après avoir levé le bras droit devant le miroir. La Reine dit que
je suis le gentilhomme le plus mal vêtu de la cour. Qu’en penses-tu ?
    — Sauf en vos cérémonies, Sire. Vous êtes superbe en
votre pourpoint de satin blanc.
    Il se mit à rire.
    — Ce qui veut dire qu’en mon ordinaire je suis assez
peu ragoûtant ! Siorac, tu es un cajoleur ! Tu me critiques, tout en
me cajolant !
    Et se mettant à rire de nouveau, il me jeta un bras sur
l’épaule et me serra à soi.
    — Or sus ! Il y a remède ! Je manderai
Bassompierre et Roquelaure. Bassompierre, pour le conseil, et Roquelaure, pour
la vêture. Ventre Saint-Gris ! Où vont toutes les pécunes que me coûte la
garde-robe dont il est le grand maître, si je dois aller vêtu comme un valet de
chien ?
    Là-dessus, il me convia, ainsi que mon père et La Surie, à
le venir voir courir la bague à Fontainebleau. Mon père se sentit fort
médiocrement heureux de cette invitation, mais le Chevalier de La Surie fut aux
anges, pour la raison que le Roi par deux fois s’était ressouvenu de son nom,
la première fois pour me décrire les yeux vairons de Philippote, et la seconde
fois, pour l’inclure dans notre invitation. Mon père, en revanche, n’ignorait
pas qu’être invité à Fontainebleau ne voulait aucunement dire qu’on pourrait
coucher et manger au château. Seuls les princes du sang, le Connétable, les
ducs et pairs, et les officiers de la couronne, avaient ce privilège. Quant à
nous, il nous faudrait loger dans les auberges des alentours qui, dès que la
cour arrivait à Fontainebleau, exigeaient d’exorbitantes pécunes pour le
moindre galetas et autant pour la plus maigre chère. Il fallait vraiment avoir
grande envie de se paonner d’être « de la cour », pour souffrir ces
dépenses et ces incommodités. Néanmoins, y ayant peu de différence entre une
invitation du Roi et un commandement, mon père se résigna à l’accepter, mais en
nous assurant qu’on ne resterait à Fontainebleau que le temps de le voir courir
la bague.
    Là-dessus, survint une péripétie qui nous laissa béants. Je
reçus un cartel de Monsieur le Prince de Condé m’appelant sur le pré pour avoir
suborné une de ses domestiques et assommé un de ses gentilshommes, preuve que
j’avais bien été reconnu par le souriant quidam qui m’avait décapuchonné. Je
brûlais d’accepter, étant fort glorieux de mon adresse aux armes et possédant,
de reste, à vue de nez, une allonge bien supérieure à celle de Monsieur le
Prince. Mais mon père me calma d’un mot. « Vous êtes un aussi grand fol que
lui, à ce que je vois ! Vous voyez-vous tuer un Bourbon, vous qui êtes
Bourbon aussi par votre mère ? » Là-dessus, il écrivit à Monsieur le
Prince une lettre fort respectueuse et fort adroite, dans laquelle il
l’assurait que je n’avais ni suborné une de ses domestiques, ni assommé son
gentilhomme (ce qui était littéralement vrai), et qu’au cas où Son Altesse
n’attacherait pas foi à cette assurance, il tiendrait à très grand honneur de
croiser le fer avec lui. Mais au lieu d’envoyer cette lettre directement à Condé,
il la lui fit remettre par Bassompierre en lui demandant d’arranger la chose
directement avec Monsieur le Prince, sans ennuyer Sa Majesté avec cette petite
affaire. En réalité, il craignait que le Roi, pour les raisons qu’on devine, ne
fit pas beaucoup d’efforts pour interdire ce duel.
    Un courrier partit donc pour Fontainebleau porter ces deux
missives, et revint avec un billet de Bassompierre nous annonçant qu’il

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