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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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serait
en Paris dans deux jours, y ayant une affaire de dame.
    Quarante-huit heures après, en effet, il nous vint visiter
au début de l’après-midi, fort resplendissant dans un habit bleu, dont
toutefois il était mécontent, son tailleur, à ce qu’il nous dit, l’air chagrin,
ayant failli à lui bien couper l’emmanchure droite de son pourpoint. Toutefois,
à mon sentiment, il n’y paraissait guère.
    Bassompierre se lamenta là-dessus un bon quart d’heure, sans
qu’on osât montrer quelque impatience. Et se calmant tout soudain, il nous dit
d’une voix unie, et comme en passant, que mon affaire était arrangée.
    On se récria, on voulut savoir les détails, et après s’être
fait prier avec la dernière coquetterie, il nous les donna.
    — Je demandai, aussitôt après avoir reçu votre paquet,
d’être reçu moi-même par Monsieur le Prince. À peine, Marquis, lui avais-je lu
votre lettre qu’il se récria : « Je ne peux accepter l’assurance que
me donne Monsieur de Siorac que son fils n’a ni suborné ma domestique, ni
assommé mon gentilhomme, car je la tiens pour fausse ! – Monseigneur,
dis-je, si Votre Altesse donne le démenti au Marquis de Siorac, celui-ci
estimera que son honneur est offensé, et le duel aura lieu. – Eh bien.
Monsieur, dit le Prince, pensez-vous m’épouvanter ? – Nullement,
Votre Altesse ! Le monde entier connaît votre vaillance. Mais voulez-vous
me permettre de soumettre à votre bon jugement les trois issues possibles à ce
duel ? Primo, vous tuez le Marquis de Siorac : vous encourez alors la
haine mortelle de Madame la Duchesse de Guise, qui va se jeter aux pieds du Roi
et lui demander votre tête. Secundo : vous avez le dessus dans votre duel
avec le Marquis de Siorac, et celui-ci, à toute extrémité, emploie avec vous
cette fameuse botte de Jarnac qu’il est le seul à connaître dans ce royaume, et
vous voilà estropié pour la vie. Tertio : le Marquis de Siorac vous tue,
et croyez-vous, Monseigneur, que le Roi versera des larmes, quand on viendra
lui apprendre que Madame la Princesse est veuve ? »
    À cela, on ne laissa pas de rire, et Bassompierre dit, avec
sa piaffe coutumière :
    — C’était là ma botte à moi, et elle l’étendit raide
sur le pré ! Monsieur le Prince dit qu’il allait y songer à loisir, mais
je gage que c’est là une défaite et que l’affaire est close.
    On lui fit de grands mercis et mon père, sachant comme il
aimait parler de ses conquêtes, lui dit :
    — Il faut que vous soyez fort attaché à la dame que
vous dites pour revenir par ces chaleurs en cette puante Paris.
    — Hélas, dit Bassompierre, et cette fois un vrai
chagrin apparut sur ses traits, il ne s’agit pas que de la dame. Deux de mes
amis, le Prince d’Épinoy et le Baron de Vigean, sont quasi au grabat et n’ont
plus d’espoir que dans la grâce de Dieu.
    — Et de quoi se meurent-ils ?
    — D’une très insensée gageure qu’ils ont faite avec le
Comte de Saux et le Comte de Flex, lesquels sont morts déjà. Et de la même
maladie. Ils avaient gagé à qui des quatre honorerait sa dame le plus grand
nombre de fois en une nuit, étant admis dans la gageure que pour aider à ces
répétés assauts, ils prendraient de l’huile d’ambre.
    — Mais ne savaient-ils pas, dit mon père avec
stupéfaction, que c’était là une sorte de poison lent ?
    — Ils savaient qu’il y avait danger, mais le danger
faisait le piment de la chose. J’ai en vain essayé de les dissuader de cette
sottise, mais ces fols n’en ont pas voulu démordre.
    — Il fallut qu’ils tinssent bien peu à la vie pour se
mettre au hasard de leur mort de façon si frivole, dit mon père. Pour moi, je
ne les connaissais que de nom.
    — C’est que vous n’allez guère à la cour, mon ami. Mais
ils y étaient connus pour les plus galants seigneurs du royaume, si beaux et si
bien faits qu’il n’était pas possible de plus.
    Pour banale que fût cette phrase, elle résonna étrangement
dans ma cervelle, y apportant je ne sais quelle tristesse. Je l’avais entendu
prononcer par Toinon, au sujet des amis de Bassompierre, qui n’étaient pas
alors ceux dont il venait de déplorer la perte, mais quatre autres grands
muguets de cour : Bellegarde, Joinville, d’Auvergne et Sommerive. De
ceux-là, chose singulière, seul Bellegarde, le plus âgé des quatre, fleurissait
encore. Le Prince de Joinville végétait en exil, le Comte d’Auvergne

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