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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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d’une voix vibrante.
    — Signerez-vous, Sire ? dis-je, quand il eut fini.
    — Nenni, nenni. Mon écriture ne doit pas paraître. Tu
signes « Per ».
    — Père, Sire ? dis-je innocemment.
    — Mais non ! dit le Roi d’un ton fâché, comme si
j’avais voulu lui rappeler son âge. « Per ». C’est un langage
convenu.
    Il reprit sa marche de long en large, tandis que je pliais
la lettre et coulais la cire sur le pli. Il n’y avait point de cachet sur
l’écritoire, et Henri ne me dictant pas non plus d’adresse, j’en conclus que le
pli devait demeurer anonyme.
    — Cette lettre, dit Henri en reprenant le ton expéditif
qui était d’ordinaire le sien, devra être remise demain après vêpres en
l’église Saint-André-des-Arts à une chambrière du nom de Philippote. Elle se
tiendra dans la travée de droite à la hauteur du confessionnal le plus proche
du portail d’entrée.
    — Comment être sûr que c’est elle ?
    — Elle a les yeux vairons. Comme La Surie.
    — Les verrai-je, Sire ? Il fait sombre dans une
église, surtout après vêpres.
    — Tu les verras. Elle sera à genoux à côté d’un bouquet
de chandelles. C’est quand tu l’accosteras que tu pourras courir quelque
danger. Il se peut qu’elle soit surveillée de fort près par des gens qui te
pourraient assommer, ou pis, pour s’emparer du pli que tu portes.
    — Je me garderai, Sire.
    — Quand tu le lui auras remis, il convient de graisser
le poignet de la garcelette. Une petite dizaine d’écus suffira.
    Lesquels j’entendis bien que je devais puiser dans ma propre
bourse, Henri ne faisant pas mine de me les donner.
    — Si le temps ne t’est pas trop compté, enquiers-toi de
la santé de sa maîtresse, de son humeur et de ses espérances et tâche surtout
de savoir si son geôlier fait mine de fléchir et de l’amener à Fontainebleau.
    Je rangeai le pli entre chemise et pourpoint, me levai et
attendis que le Roi me donnât mon congé. Ce qu’il faisait à l’ordinaire sans
tant languir, étant un homme si vif et qui faisait tout en un tournemain. Mais
à rebours de son usage, il s’attardait, tournait et virait dans la pièce et
tantôt paraissait perdu dans ses pensées, et tantôt me jetait des petits
regards de côté, comme s’il balançait à me parler plus outre.
    — Siorac, dit-il enfin, ne pouvant se tenir de parler
de sa bien-aimée, fût-ce à un béjaune comme moi, connais-tu la Princesse ?
    — Oui, Sire, je l’ai vue deux fois à votre chevet au
Louvre, et auparavant, j’avais dansé la volte avec elle au bal de Madame de
Guise.
    — Qu’en es-tu apensé ?
    — De l’avis général, Sire, il n’y a rien de plus beau que
la Princesse, et qui ait plus de grâces.
    — Et comment danse-t-elle ?
    Il aurait pu répondre à ma place, ne l’ayant pas quittée de
l’œil quand elle apparut dans le ballet des Nymphes de Diane devant la
Reine. Mais j’entendis bien qu’il ne voulait de moi qu’un écho à sa propre
pensée, afin que la Princesse lui devînt plus présente.
    — Divinement, Sire. Avec une extrême légèreté. Un
sylphe ne ferait pas mieux.
    — Ah ! Siorac ! dit-il. Cet homme est un
monstre ! À peine eut-il marié ce bel ange qu’au lieu de l’amener à la
cour à Fontainebleau, comme je lui en avais fait commandement, il courut
l’enfermer sous bonne garde dans son hôtel parisien, la retirant de tout
commerce avec quiconque, y compris avec le Connétable et sa tante
d’Angoulême ! Malherbe a raison : ce Fontainebleau n’est qu’un
désert, puisqu’elle ne s’y trouve pas ! Quelle malheureuse vie je mène
loin d’elle ! J’ai perdu appétit et sommeil, je n’ai plus que la peau sur
les os, et je suis si fort dérangé de mes mérangeoises que je n’ai plus goût à
rien.
    Il resta coi un petit moment après cet éclat, la tête basse,
les yeux fichés à terre, l’image même de la désolation. Et il était bien vrai
qu’il avait maigri, son pourpoint ayant l’air de flotter autour de son torse.
Tout soudain, il se redressa, comme ressentant quelque vergogne à s’être laissé
aller, me fit un petit signe de la tête et me quitta si vite que j’eus le temps
de me génuflexer, mais non de lui baiser la main.
    Je me relevai, me faisant cette réflexion qu’il m’avait tenu
le même langage du désespoir amoureux que Bassompierre, avec cette différence
que chez lui il sonnait juste, accompagné de ce petit grelot de folie

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