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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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torse lui parut aussi sec et
noueux qu’un sarment de vigne. Le visage aussi avait vieilli : le poil
grisonnant, la peau desséchée, le long nez Bourbon saillant davantage du fait
de l’affaissement des joues. Seuls les yeux paraissaient jeunes, fins, vivants,
pleins d’esprit, leur expression changeant de seconde en seconde, matoise,
narquoise, ou attendrie : gaie, mais avec des pointes de tristesse et de
fatigue. Et pourtant, pensa mon père, il a une constitution à vivre cent ans,
si seulement il consentait à ne pas tout faire à la fureur : le boire, le
manger, le travail, le jeu et la paillardise.
    — Ah ! mais tu n’es pas seul ! Et si mes yeux
ne me trompent, c’est bien mon barbu qui est là !…
    — Oui, Sire, dit mon père, c’est Siorac.
    Oui n’aurait pas été flatté d’un tel accueil ? Le Roi
appelait mon père « barbu », l’ayant surnommé ainsi à l’époque où,
déguisé en marchand drapier, il portait, en effet, tout son poil et
accomplissait pour Sa Majesté dans Paris insurgé nombre de périlleuses
missions. Henri était toujours très attentif à marquer ainsi de l’amitié à ses
vieux compagnons : si irrité qu’il fût parfois contre Sully, il ne
manquait jamais de l’appeler Rosny et de le tutoyer.
    — Et que me veux-tu. Barbu ? dit le Roi.
    — Sire, dit mon père en se génuflexant, j’ai une
requête à vous présenter.
    — Je l’agrée d’avance, dit Henri en gaussant, pourvu
qu’elle ne soit ni d’argent ni d’une place de gouverneur…
    — Il ne s’agit ni de l’un ni de l’autre.
    — À la bonne heure ! Et toi, Rosny, que me veux-tu
en cette heure matinale ?
    — Sire, je viens porter à Sa Gracieuse Majesté la Reine
les deux cents écus que Votre Majesté m’a hier demandés pour elle.
    — Deux cents ? dit le Roi en haussant le sourcil.
    — Ce n’est qu’une avance. Sire. Mes commis lui
viendront porter le reste avant midi. Sire, dois-je les remettre moi-même à Sa
Gracieuse Majesté ?
    — Gracieuse ? dit le Roi. Elle ne l’est guère à
s’teure avec moi ! Elle n’a fait toute la nuit que me tourmenter.
    — Madame, dit Sully en feignant de ne pas entendre,
voici une avance sur la somme que Sa Majesté m’a demandée pour vous.
    Mais le dos et la tête tournés de l’autre côté du lit, Marie
de Médicis ne bougea pas d’un pouce.
    — Sire, la Reine dort-elle ? demanda Sully en
baissant la voix.
    — Sa Gracieuse Majesté ne dort pas, dit le Roi. Toute
gracieuse qu’elle soit, elle boude. Donne-moi ces écus, Rosny : je les lui
remettrai à son premier sourire.
    — Point dou tout ! dit alors Marie.
    Et sans se retourner tout à fait, elle tendit un long bras
par-dessus le corps de Sa Majesté, et saisit le sac d’écus.
    — Il ne manquerait plou, ajouta-t-elle d’un ton
rogue, que vous alliez les jouer à la prime avec Monsieur de
Bassompierre !
    — Madame, dit Sully, quand le Roi joue avec Monsieur de
Bassompierre, il ne fait que gagner.
    — Preuve, dit Henri, que Bassompierre est un bon sujet
du roi de France, tout Allemand qu’il soit.
    — Mon Diou, ye ne vais pas en dis couter  !
dit la Reine. Yai trop sommeil ! Ye vais dormir dans mon petit
cabinet !
    Et son sac d’écus à la main, elle se leva du lit et, sans
plus de cérémonie, descendit le degré, franchit la balustrade dorée et disparut
par une petite porte.
    — Monsieur mon père, dis-je, quand mon père fit à La
Surie et à moi-même ce récit, comment était Sa Majesté la Reine en ses robes de
nuit ?
    — Grande et grasse.
    — Voilà, dit La Surie, qui doit changer le Roi des
maigreurs de Madame de Verneuil.
    — Oui, mais ce sont des maigreurs actives, dit mon père
avec un sourire.
    Phrase et sourire auxquels je ne compris goutte, ne pouvant
juger des femmes que par la seule Toinon.
    Le Roi, poursuivit mon père, poussa un gros soupir, et dès
que la Reine l’eut quitté, il dit :
    — Rosny, te souviens-tu de la phrase biblique :
une femme querelleuse est pareille à un long jour de pluie ?
    — Sire, dit Sully roidement, la Reine a peut-être
quelques bonnes raisons de quereller Votre Majesté.
    — Rosny, dit le Roi en fronçant le sourcil, voilà une
morale qui s’est levée bien matin. Garde-la au chaud pour le Conseil. Nous
allons en avoir besoin. Eh bien, Barbu, poursuivit-il en se tournant vers moi,
et en reprenant son ton enjoué, qu’as-tu à me demander ?
    — C’est une relation

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