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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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plus qu’une requête. Sire, dit mon
père.
    — Eh bien, conte-moi ce conte, dit le Roi. Et qu’il soit
gai ! J’ai eu cette nuit et ce matin plus que mon lot de querelles.
    Mon père avait pensé à son récit. Il le fit vif, court et
plaisant. Mieux même, il le mima, contrefaisant en particulier Toinon et la
Duchesse et changeant de voix à chaque réplique. Le Roi fit là-dessus de grands
éclats de rire et quand enfin mon père présenta sa supplique, la partie était
gagnée : la dorure avait fait passer la pilule.
    — Ventre Saint-Gris, Barbu ! dit le Roi, qui avait
repris sa gaîté naturelle, il ne sera pas dit que j’arracherai à ses études un
filleul si studieux. Il y va du reste de mon intérêt. Tant plus il apprendra,
tant mieux plus tard il me servira ! Quant à ma bonne cousine de Guise,
plût au ciel qu’elle fût la seule et intime amie de la Reine, en lieu et place
de cette Léonora Galigaï qui la coiffe et dont elle est coiffée ! Et
sais-tu. Barbu, où iront ces écus qu’elle vient de m’arracher ? Droit dans
le giron de cette fille de rien, de cette Florentine du diable, de ce monstre
de laideur que la Reine ne pense qu’à enrichir dans le même temps où elle fait
la revêche et la renchérie avec les gentilshommes les mieux nés de ma
cour ! Mais assez là-dessus ! Par égard pour ma bonne cousine de
Guise, je resterai muet comme tombe sur le conte que tu m’as fait de ses
petites extravagances. D’ailleurs, je ne l’en aime pas moins. Elle est toute
naïve : voilà ce qui me plaît en elle. Barbu, pour la consoler que son
filleul ne devienne pas un de mes pages, porte-lui de ma part ce petit chapelet
de grains d’or. Je l’ai acheté à la foire Saint-Germain pour la Comtesse de
Moret. Mais elle n’en a pas voulu : « Sire, m’a-t-elle dit,
excusez-moi, mais je ne pourrai égrener ce chapelet sans penser à l’illustre
donateur et au péché dont il est pour moi la douce occasion : pensées qui
se contrarient trop pour me rendre heureuse. » Barbu, que t’en
semble ? Peut-on avoir plus d’esprit que ce bel ange ?
    — Assurément, dit mon père, la Comtesse de Moret est
fort belle et elle a beaucoup d’esprit.
    — Voilà qui était galant pour la dame, dit La Surie,
quand mon père nous répéta ce propos. Toutefois, vous n’avez pas donné de
« l’ange » à la Moret. Peut-être avez-vous ouï, comme moi, qu’elle
fait fi de l’or : elle ne prise que les diamants.
    — Je ne le savais pas, mais je m’en doutais, dit mon père.
Tout grand politique qu’il soit dans le monde des hommes, c’est le Roi qui est
naïf, quand il s’agit de ses maîtresses. Venant d’elles, il gobe tout.
     
    *
    * *
     
    Madame de Guise, elle, admirait fort l’ancienne et très curieuse
médaille en or de sainte Marie que mon père portait autour du cou et que lui
avait léguée à sa mort sa mère, Isabelle de Caumont, en lui faisant jurer de ne
la jamais quitter. Promesse que mon père, bien qu’il fût alors huguenot, avait
scrupuleusement tenue et qui eut des suites singulières : la présence de
la Vierge sur sa poitrine faillit lui coûter la vie lors de la Michelade de
Nîmes, les huguenots l’ayant pris pour un catholique. En revanche, elle le
sauva dans la nuit de la Saint-Barthélemy, les catholiques qui le poursuivaient
voyant en elle la preuve qu’il était un des leurs : triste époque où les
furieux des deux bords ne rêvaient que de s’entre-tuer.
    Quand mon père eut remis à Madame de Guise le chapelet de
grains d’or qu’Henri lui avait confié pour elle (et qu’au rebours de la
Comtesse de Moret, elle accueillit avec joie), mon père sentit que le présent
du Roi ne l’exemptait pas de celui que le Chevalier lui avait conseillé et
qu’un peu de miel, après toute l’aigreur de leur dispute, serait par Son
Altesse plus que le bienvenu. Il confia à un joaillier juif le soin d’exécuter
une copie exacte du legs sacré de sa mère. Dans son esprit, c’était un
témoignage d’immutable affection. Mais Madame de Guise, qui avait l’esprit
romanesque, y déchiffra une sorte de symbole. Elle se sentit au comble du
bonheur à l’idée d’orner son joli cou d’une médaille identique à celle que
portait son amant. Elle y vit, comme elle voulut bien le lui dire, avec
exaltation, « le gage d’un éternel amour ».
    Mon père en fut perplexe et comme effrayé.
« Éternel ? dit-il au Chevalier devant moi, où donc les

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