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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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femmes
vont-elles chercher ces assurances ? » Ce propos m’étonna. Je pensai
à part moi que, puisque mon père et ma marraine étaient liés depuis treize ans
déjà, ils pourraient tout aussi bien ne jamais cesser de s’aimer. J’osai le
dire à mon père et d’abord surpris par cette pensée, il en tomba d’accord
d’assez bon gré. Ce n’est que beaucoup plus tard que je compris son mouvement
de recul : le mot « éternel » lui avait fait penser à la mort.
     
    *
    * *
     
    L’année 1607 introduisit un événement dans la vie de Madame
de Guise, important assez pour elle, et dans la mienne, une rencontre qui me
sembla de prime anodine, mais qui s’avéra si grosse de conséquence qu’elle
m’apparut avec le temps comme un tournant de mon existence.
    C’est en 1607, en effet, et je crois bien à la mi-juin, que
parut L’Astrée, le célèbre roman d’amour d’Honoré d’Urfé. À peine
l’encre de l’imprimeur eut-elle séché sur ces pages que bien de belles joues se
mouillèrent de larmes, du moins chez celles de nos hautes dames qui savaient
lire. Hélas pour ma marraine, c’était bien là le hic ! Car elle avait
peine à épeler ses lettres. Mais à force d’ouïr l’émeuvement où la lecture de
ce livre sublime jetait tant de ses amies, elle n’eut de cesse qu’elle
n’engageât une noble demoiselle pour prêter sa voix, chaque soir, aux agréments
et aux délicatesses qui débordaient de ce récit. Cela fut cause qu’elle
s’endormit chaque soir dans les transports et qu’elle reprochait le lendemain à
mon père de ne pas l’aimer autant que le berger Céladon adorait la bergère
Astrée, en dépit des rebuffades qu’il en essuyait.
    — C’est que moi, répliquait mon père, je suis meilleur
berger que Céladon. Au lieu de soupirer au pied de la belle ingrate, je soigne
mes moutons…
    — Allez, méchant ! disait la Duchesse, il n’y a
pas plaisir à jouer les cruelles avec vous : vous ne faites qu’en
rire !
    Le juillet qui suivit la publication de L’Astrée fut
si excessivement sec et chaud qu’à Paris ce n’étaient partout que plaintes et
gémissements sur la touffeur de l’air et la puanteur des rues. Là-dessus,
Monsieur de Bassompierre ayant ouï que mon père se proposait de se rendre au
château de Saint-Germain-en-Laye pour y voir le docteur Héroard, et devant lui-même
y visiter Monsieur de Mansan, lui proposa d’y aller de concert en sa gabarre
sur la rivière de Seine, afin de profiter de la fraîcheur de l’eau.
    Comme le voyage serait long assez en raison des grands
méandres auxquels se complaît la Seine à l’ouest de Paris, il fut convenu de
s’embarquer à la pique du jour au Port-au-Foin devant le Louvre et d’envoyer
les carrosses au plus court pour nous attendre au bas de la colline de
Saint-Germain, afin que de gravir plus commodément la côte abrupte jusqu’au
château et de s’en retourner, nos visites faites, non par le fleuve, mais par
la route en ces mêmes carrosses. Car autre chose, assurément, était de laisser
la gabarre descendre le fil du courant de Paris à Saint-Germain, aidée au
surplus par les avirons des bateliers et, le cas échéant par la voile, et autre
chose assurément, de remonter le courant de Saint-Germain à Paris, entreprise
qui eût pris un temps infini.
    Bassompierre recommanda à mon père de se bien garnir en
mousquets pour ce voyage et de se faire suivre par le Chevalier de La Surie et
nos deux soldats, lui-même venant fortement accompagné. Car, passé le premier
méandre de la Seine et avant même qu’on atteignît la grande île de la Jatte, la
gabarre pouvait être attaquée par des pirates de fleuve, eux-mêmes puissamment
armés et dont on ne pouvait empêcher l’abordage que par un feu nourri de
mousqueterie et la rapidité de la manœuvre. Raison pour laquelle Bassompierre,
se méfiant des bateliers de Seine, tous fâcheusement famés, n’avait embauché
pour rameurs que des bateliers allemands, puissants et honnêtes ribauds de sa
province, à leur maître tout dévoués. Raison aussi pour laquelle la rambarde
qui ceinturait le pont de la gabarre était percée de meurtrières. Pour mes
douze ans, ce grand voyage sur Seine valait presque le périple d’Ulysse et, à
défaut de tempête, je me sentis très enflammé par l’idée qu’il faudrait
peut-être en découdre. Non content de ceindre mon épée, j’obtins de mon père la
permission d’emporter une petite

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