Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
des plus
ravissantes, me trouvez-vous piquante ?
    — Gare quand votre dard s’égare ! dit mon père qui
aimait les giochi di parole [5] presque
autant que Monsieur de La Surie.
    — Quand cela ? Comment cela ?
    — Eh bien, dit mon père en faisant semblant de renifler
l’air autour de lui, il me semble sentir autour de moi comme une odeur de
caque…
    — Oh ! le méchant que vous êtes ! dit-elle en
s’approchant de lui et en lui donnant sur les doigts une petite tape qui était
presque une caresse. Depuis douze ans que je vous connais…
    — Treize, dit mon père, en me jetant un coup d’œil.
    — Je vous ai fait cette plaisanterie plus de dix fois…
    — Ce fut peut-être une fois de trop. Ou alors,
l’assaisonnement défaillait.
    — Comment cela. Monsieur ?
    — Trop de vinaigre, pas assez d’huile.
    — Que ferai-je pour corriger les proportions ? dit
ma marraine avec un joli brillement de l’œil. Un sourire fera-t-il
l’affaire ?
    — Petite épice. Il y faudrait plus de corps et relever
davantage…
    À cela, la Duchesse ne put se retenir de rire, et moi,
voyant bien à quoi tendait cette badinerie, je me glissai sans dire mot ni
miette hors de la pièce et je fis bien, car je n’avais pas fait dix pas dans le
passage qui menait au viret que j’entendis grincer dans son logement le verrou
de ma chambre, verrou qu’une demi-heure plus tôt, j’aurais été bien avisé,
moi-même, de pousser.
    Sur la première marche du viret je trouvai ma Toinon assise,
laquelle, comme je passais sans la voir, le passage étant obscur, me happa la
main et me fit asseoir à côté d’elle.
    — Quoi, Toinon ? dis-je, bien aise, à défaut de la
voir, de la sentir à mon côté, tu écoutes aux portes ?
    — Faut bien, dit-elle sobrement. Il s’agissait de moi.
    — Eh bien, tu ne pars pas, tu le sais !
    — Je le sais, dit-elle et j’en suis heureuse. C’est que
je suis bien ici. Peu à faire et rien que de plaisant. Bah ! Je n’étais
pas fort inquiète.
    Quelqu’un ou quelqu’une ouvrit une porte au rez-de-chaussée
et la lumière éclaira le visage de Toinon. Elle ne me parut nullement déconfite
après son grand duel avec la Duchesse. J’admirai son courage, mais je n’en
compris que bien plus tard la racine : elle possédait une invincible
confiance en sa beauté.
    — Il y a dix minutes, dit-elle avec un petit rire, vous
auriez dit qu’ils allaient s’entre-tuer et maintenant ils en sont à se lécher
le morveau. Voilà tout justement comment marche le monde !
    — En tout cas, dis-je, rien n’est changé. Tu demeures
céans, et moi je reste avec mes livres. Cette grande affaire est enterrée. Dieu
merci, je ne serai jamais page du Roi !
    — Voire ! dit Toinon.
    — Que veut dire ce « voire ! » ?
    — Que j’ai ma doute là-dessus.
    Ne sachant que répliquer à cela, je m’en pris à sa
grammaire.
    —  Mon doute.
    — Monsieur, excusez-moi, mais chez Monsieur de
Bassompierre, on dit la doute.
    — Et d’où tiens-tu que c’est lui qui a raison sur
moi ? dis-je, quelque peu piqué par la jalousie.
    — Oh ! Monsieur, c’est tout à fait certain :
pour un livre que vous avez, il en possède cent !

 
CHAPITRE II
    Dès que Madame de Guise eut quitté notre logis, mon père
obtint de moi un récit véridique et complet de tout ce qui s’était dit avant
qu’il ne survînt. Et faisant aussitôt appeler Toinon, il la tança vertement de
sa damnable effronterie, laquelle elle aurait bien dû refréner, même sous les
insultes, en considération du rang de Son Altesse. Il lui pardonnait pour cette
fois, mais qu’elle n’y revînt pas et qu’elle se gardât bien, surtout, d’en
babiller avec Mariette ou avec quiconque, si elle ne voulait pas être
incontinent chassée.
    Toinon fut toute soumission, yeux baissés, larmes et
promesses de se repentir : attitude qui acheva d’adoucir mon père, mais ne
me convainquit guère, car, commençant à bien connaître la friponne, j’étais
bien assuré qu’elle se félicitait, en son for, d’avoir rendu coup pour coup à
ma pauvre marraine.
    De toute cette affaire, mon père fit un récit des plus
plaisants à Monsieur de La Surie dans la librairie où il aimait se retirer
après la repue du soir, avec le Chevalier et moi-même, pour commenter les
événements de la journée et tâcher d’en tirer leçon.
    Ce conte tout à la fois attrista et amusa le Chevalier et,
quand mon père se tut,

Weitere Kostenlose Bücher