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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vôtres sans ciller qui vous mettait mal à l’aise. Il ne me parut pas à
proprement parler atteint de folie, mais farouche, exalté et excessivement sûr
de lui et de ses opinions. Comme Castelnau tardait à revenir avec Monsieur de
La Force, je lui dis :
    — Que pensez-vous de la guerre qui se prépare ?
    Il me répondit sans hésitation et sur le ton de la plus
absolue certitude :
    — C’est à faire la guerre aux huguenots que le cœur du
Roi doit être porté.
    Voilà un gautier, pensai-je, qu’on a bien catéchisé. Et s’il
n’a pas ouï le père Gontier à Saint-Gervais le jour de Noël, du moins a-t-il eu
les oreilles rebattues par le même son de cloche. Mais qui diantre lui a
enseigné que « Dieu était le Pape et le Pape était Dieu » ?
A-t-il sorti seul de son chapeau vert cette étrange théologie ? Et s’il
veut voir le Roi, est-ce pour « porter son cœur » à faire la guerre
aux huguenots, comme Jeanne d’Arc, jadis, a incité le Dauphin à « bouter
les Anglais hors de France » ?
    Enfin, Monsieur de La Force apparut, suivi de son fils. Si
je rencontrai ce jour-là Castelnau pour la première fois – sans doute
parce qu’il ne fut présenté au Roi et à la cour que lorsque son père obtint
pour lui la lieutenance de la troisième compagnie des gardes –, en
revanche, je connaissais fort bien Monsieur de La Force qui, avec mon père,
d’Ornano, Roquelaure, Bellegarde et Vitry, était un des plus vieux serviteurs
d’Henri IV et, s’étant illustré à ses côtés dans toutes les dures
batailles que le roi de Navarre avait dû livrer pour conquérir le trône de
France, était couvert de titres, de gloire et de possessions. Né Caumont, il
était gouverneur et lieutenant général de Navarre et Béarn, Duc de La Force,
Marquis de Castelnau et des Milandes, sans compter d’autres biens dans le
Sarladais. Son titre de Duc n’était point babiole, ayant été accompagné d’un
don de deux cent mille écus grâce auquel il put reconstruire le manoir de La
Force qui, cependant, était une petite chose, comparé à Castelnau. Lecteur, si
un jour vous passez par le Périgord, de grâce, allez jeter un œil à ce rocher
construit par la main de l’homme sur une roche naturelle et vous aurez une idée
de la solidité tant morale que physique du Duc de La Force.
    Aucun nom ne lui eût mieux convenu que celui-là. C’était un
roc, inébranlable en sa santé, en ses entreprises, en sa foi protestante.
Depuis cette nuit de la Saint-Barthélemy où, couvert du sang de son père et de
son frère aîné, il feignit d’avoir été lui aussi poignardé, il eut cent fois
l’occasion d’être tué et échappa à toutes. Et ne croyez surtout pas, lecteur,
que ce roc huguenot ne savait pas, à l’occasion, avoir quelque tendresse pour
le gentil sesso. Il se maria trois fois et la troisième fois, à
quatre-vingt-neuf ans.
    Dès qu’il me vit, Monsieur de La Force prit le temps de me
bailler une forte brassée et de s’enquérir de la santé de mon père et de celle
de La Surie, mais tout en me parlant, son œil gris pénétrant s’attachait à
l’herculéen rouquin vêtu de vert. Il ne me sembla pas qu’il aimait beaucoup ce
qu’il voyait. Toutefois, quand il lui adressa la parole, ce fut lui aussi d’un
ton poli.
    — Est-ce vous qui quérez de voir Sa Majesté ?
    — Oui, Monsieur le capitaine.
    — Comment vous nomme-t-on ?
    — Jean-François Ravaillac.
    — Quel âge avez-vous ?
    — Trente et un ans.
    — Quel est votre état ?
    — J’ai été maître d’école et valet de chambre. J’ai
aussi sollicité des procès à Paris pour un juge.
    — Et à s’teure, quel est votre métier ?
    — Je suis désoccupé.
    — De quoi vivez-vous ?
    — D’aumônes que de bonnes gens me font.
    — N’avez-vous pas vergogne, à votre âge et bâti comme
vous l’êtes, de ne travailler point ?
    — Je ne perds pas mon temps.
    — Que faites-vous ?
    Ravaillac se redressa et dit avec emphase, et sur un ton
quasi prophétique :
    — Je m’attache à la contemplation des secrets de la
Providence éternelle.
    — N’est-ce pas bien outrecuidant ? Espérez-vous
pouvoir les percer ?
    — Je lis de bons livres pour m’éclairer.
    — Écrits par qui ?
    — Le curé Jean Boucher, le père Mariana, le père
Emmanuel Sâ.
    Lectures inquiétantes : deux jésuites et un curé qui
avait été banni de Paris en raison de l’extrême

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