La Volte Des Vertugadins
en vous un houm me si ardent à se égrous sir et
peux-je vous dire aussi que vous m’avez tout à plein appri vésé à vou tre
personne par vou tre cour té sie.
— Et que diantre signifie ce charabia ? dis-je,
quand il nous eut quittés.
— Que vous l’avez apprivoisé par votre courtoisie. Il
remplace les « oi » par des « é », sans doute parce qu’ils
sont honnis de son clan !
De cette extravagance, Mademoiselle de Saint-Hubert et moi
nous fîmes de grands éclats de rire, non que je sentisse quelque piquant regret
de cette gaîté qui ne nous rapprochait pas autant que les délicieuses
tristesses que nous venions de partager. Il y avait eu là une douce et tendre
pente dont aucun de nous n’avait voulu se demander jusqu’où elle nous pourrait
mener. Toutefois, Mademoiselle de Saint-Hubert dut se faire, après coup,
quelques petites réflexions, et sur son âge et sur le mien, et sur les
contraintes de sa position dans notre maison, et sur le péché qu’elle avait
encouru, car ce moment ne revint jamais. Et je n’eus jamais plus rien d’elle
dans la suite que des regards affectionnés, et de temps à autre de légères
pressions de main si légères que je me demandais toujours si je ne les avais
pas rêvées.
— Ainsi, le Roi vous écrit, dit tout à coup Mademoiselle
de Saint-Hubert. Comment vais-je encore oser vous enseigner quoi que ce
soit ?
— Il écrit à mon père, mais comment l’expliquer à ce
poupelet ? Il aurait remporté la missive !
Nous rimes de nouveau, mon père survint au milieu de ces éclats
et, ayant paru surpris, je lui en expliquai la raison. Il haussa les épaules.
— De ces affectations de langage qu’on appelle
aujourd’hui des turlupinades, il y en a eu dans toutes les cours, surtout aux
époques de paix, quand les gentilshommes, ayant remis leur épée au fourreau, ne
savent que faire de leur oisiveté. Sous Henri III, et Dieu sait pourtant
s’ils étaient vaillants au combat, les muguets affectaient de zézayer et
répétaient à tous propos : « En ma conscience ! » ou
« Il en faudrait mourir ! », et autres billevesées. Parfois les
femmes s’en mêlent et ce parler particulier devient alors un instrument de leur
pouvoir. Qui ne s’y plie pas n’est pas digne d’être aimé. Où est cette lettre
du Roi ?
— Sur le clavecin, Monsieur, dit Mademoiselle de
Saint-Hubert qui, dès que mon père était entré, ne l’avait plus quitté des
yeux : attention qui n’était pas sans me piquer de quelque jalousie.
Mais dès que mon père eut rompu le cachet royal, elle se
souvint de ses manières, lui fit une belle révérence et s’en alla. Mon père
s’approcha de la fenêtre pour mieux voir, lut le message et parut plongé dans
les songes.
— Mon Pierre, dit-il au bout d’un moment, voilà du
nouveau dans votre vie. Du très bon et, peut-être, au long terme, du moins bon.
Qui le dira ?
Il tapa du bout de l’index sur le parchemin.
— Ce billet est du pur Henri : cordial et
impérieux. Il vous caresse, mais il ferait beau voir ne lui obéir point !
Lisez-le, puisqu’au premier chef vous êtes concerné.
Je ne sais ce qu’est devenu le pli sur lequel le message
était couché, mais j’en connais tous les mots par cœur et ne risque pas de les
oublier jamais. Les voici :
« Barbu !
« Le premier au combat à Ivry ne doit pas être le
dernier au bal. J’aimerais te voir le seize août chez ma bonne cousine de Guise
et avec toi mon filleul, le Chevalier de Siorac, dont ceux que j’aime me disent
grand bien.
Henri. »
— Mais, dis-je, pourquoi le Roi m’appelle-t-il le
Chevalier de Siorac ?
— Il ne vous appelle pas. Il vous nomme. Pensez bien
que le Roi a pesé ses mots. Jusqu’ici vous étiez un cadet noble, mais sans
titre. Aujourd’hui, vous en avez un.
— Mais n’est-ce pas à mon âge une très grande
faveur ?
— Grandissime ! J’étais moi aussi un cadet noble,
mais ce n’est qu’après des années de périlleuses missions au service
d’Henri III que Sa Majesté m’a fait Chevalier.
J’ouvris à cela de grands yeux et ressentis une certaine
mésaise, car il m’avait semblé discerner dans la voix de mon père un soupçon
d’amertume.
— Mais à qui, ou à quoi, dois-je un aussi prodigieux avancement ?
— Le Roi le dit dans sa lettre. Ceux qu’il aime lui ont
dit grand bien de vous.
— Madame de Guise ?
— Madame de Guise et le Dauphin.
— Le
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