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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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n’aurais voulu dans la grand’salle,
laquelle était encore aux trois quarts vide, car Madame de Guise, comme je
l’appris plus tard, avait commandé à ses enfants d’être là à l’heure,
considérant que ce qui était péché chez le Prince de Conti était chez eux
vertu.
    Plus obéissants à ses désirs que mon père, tous les princes
de la puissante maison de Lorraine se trouvaient là, debout, à l’exception de
leur oncle, le Duc de Mayenne, lequel avait pris place dans une chaire à
vertugadin, presque trop étroite pour les dimensions de sa croupe.
    Ils me dévisageaient, tandis que je traversais en allant
vers eux toute la longueur de la salle. Je la trouvais, en effet, fort longue
sous le feu de leurs regards et n’avais pas de mal à m’imaginer comment ils me
voyaient, moi, leur demi-frère bâtard, fils, au surplus, d’un père qui avait si
ardemment combattu leur félonne maison sous Henri III et Henri IV.
Toutefois, d’avoir pensé à mon père me remit du cœur au ventre et j’avançai
vers eux, le pas plus ferme et le regard assuré, mais sans morgue non plus,
tâchant même de donner à ma physionomie un air de riante sérénité. J’étais à
une dizaine de pas de ce groupe imposant quand Madame de Guise – la plus
petite de sa famille mais, à l’exception de Mayenne, la plus respectée –
s’avança vers moi, ses yeux bleus fichés dans les miens avec cette expression
affectionnée que j’aurais tant voulu lui voir quelques minutes plus tôt dans
son petit cabinet quand la frisure de ses cheveux accaparait son attention.
Elle me prit par la main puis, se virevoltant avec vivacité, elle se mit à mon
côté et à mon pas (ce qui m’obligea à ralentir le mien) et je fus ainsi amené
par elle jusqu’au Duc de Mayenne.
    — Mon frère, dit-elle (il n’était, en fait, que son
beau-frère et le seul survivant des Guise de son époque, ses deux frères ayant
été assassinés par Henri III à Blois, et sa sœur, la boiteuse Montpensier
étant morte, la paix revenue), j’aimerais recommander à votre bienveillance mon
beau filleul, le Chevalier de Siorac…
    Grand mangeur, grand dormeur, fort gros de l’arrière-train
et de la bedondaine, quelque peu podagre aussi et goutteux, mais l’œil plus
malin que celui d’un éléphant, le Duc de Mayenne devant qui je me génuflexai me
fit un petit signe de tête puis, fermant à demi les paupières, il me considéra
en silence pendant une longue minute. Après quoi, les deux mains posées sur ses
énormes cuisses, il dit d’une voix lente, mais bien articulée :
    — J’ai connu le Marquis de Siorac au siège d’Amiens,
quelque temps après que j’eus abandonné la Ligue pour rallier le camp
d’Henri IV.
    — Mon père me l’a dit, Monseigneur.
    — Et vous a-t-il conté comment, assiégeant Amiens
occupé par les Espagnols, nous avons été, à notre tour, attaqués par le Prince
Albert ?
    — Oui, Monseigneur.
    — Vous a-t-il instruit de la part que j’ai prise à
cette bataille ?
    — Oui, Monseigneur.
    — Laquelle ?
    — Vous avez. Monseigneur, défendu le flanc sud des
assiégeants contre l’attaque du Prince Albert, lequel tenta vainement de jeter
un pont de bateau sur la rivière de Somme pour y faire passer ses canons. En
outre, vous aviez prévenu Henri que ce côté que vous commandiez étant fort peu
fortifié, il se pouvait que l’attaque vînt par là.
    — Et qui me contredisait hautement sur ce point ?
    — Le Maréchal de Biron.
    — Savez-vous quand j’ai quitté la Ligue pour rallier
Henri IV ?
    — Quand le Roi s’est converti au catholicisme, vous
avez estimé que la Ligue avait perdu sa raison d’être.
    — Avez-vous ouï cela, Sommerive ? dit le Duc de
Mayenne.
    Ce disant, il tourna la tête, ou plutôt il voulut la
tourner, car son cou ayant perdu toute mobilité et paraissant soudé à son
tronc, il fallut que celui-ci se déplaçât pour qu’il pût voir celui auquel il
s’adressait : un beau cavalier d’une vingtaine d’années qui se tenait
debout à la droite de sa chaire.
    — Oui, Monsieur mon père, dit Sommerive, en penchant
vers lui sa face claire. Et j’en suis ébahi assez. Je ne savais pas tout ce
détail sur le siège d’Amiens. Le Chevalier est fort savant.
    — Et je le crois aussi très avisé pour son âge, dit
Mayenne.
    Et se tournant à nouveau vers moi, avec cette même rotation
lente et massive de tout le tronc qui me paraissait donner

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