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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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toujours raison au Roi, parce qu’il
est le Roi, et à la Reine, parce qu’elle est la Reine, et même à la Marquise de
Verneuil, du temps où elle régnait sur le Roi.
    — Pardienne ! Quoi d’étonnant à cela ? dit
Bassompierre. Étant Allemand et vivant en France, je suis le paroissier de qui
est le curé.
    — Bassompierre, ton français fout le camp, dit
Joinville. On ne dit pas « paroissier ». On dit
« paroissien ».
    — Et qu’en pense notre savantissime ? dit
Bassompierre en se tournant vers moi ? J’ai ma doute là-dessus.
    — Holà ! Holà ! dit Joinville. Point si
vite ! Gageons d’abord ! Combien mets-tu sur
« paroissier » ?
    — Cent livres.
    — Tope !
    Et ils topèrent comme marchands après un barguin conclu.
    — Chevalier, dit Joinville avec une enfantine
impatience, le verdict ?
    — Rabelais dit « paroissien ».
    — Perdu ! dit Bassompierre gaiement. Cette bague
avec le gros rubis te convient-elle, mon Claude ? Elle vaut bien deux
cents livres.
    — J’aimerais autant l’anneau d’or que je vois à ton
majeur.
    — Quoi ? L’anneau de la fée ! Qui m’apporte
chance et bonheur ! Autant me couper le doigt !
    — Ce sera donc le rubis, dit Joinville.
    Bassompierre l’enleva de sa main et la passa de soi au doigt
de Joinville qui regarda la bague avec ravissement.
    — Voilà qui est bel et bon, dit-il, mais je n’ai pas
fini. Tu as dit «  ma doute », on dit «  mon doute ».
    — Pas du tout, on dit « ma doute ».
    — Gageons.
    — Cent livres ?
    — Tope.
    Ils topèrent et me regardèrent.
    — On dit les deux, dis-je, sérieux comme un juge.
Montaigne dit «  la doute », mais Ronsard dit «  le doute ».
    — Perdu ! dit Joinville en riant et il rendit la
bague.
    Et reprenant tout soudain son sérieux après ces gageures que
je trouvais, en mon for, passablement puériles, il se tourna vers moi et me
dit :
    — Il y a une raison pour laquelle le Roi tolère que le
gouverneur qu’il a nommé se fasse remplacer par un lieutenant et réside à
Paris. À Paris, ledit gouverneur, s’il est turbulent, est l’otage du Roi. Si le
Roi conçoit à son égard des soupçons et des ombrages, il remplace en tapinois
par un homme à lui le lieutenant que son gouverneur a nommé. Ainsi a-t-il fait
pour le Duc d’Épernon à Metz. Le Duc reçoit toujours sa pension de gouverneur,
mais il n’a plus dans sa ville qu’un pouvoir nominal. Il ne peut ni la fermer
au Roi, ni l’ouvrir à l’Espagnol.
    — Voilà, dis-je, qui est habilement machiné.
    — Mais cela, dit Bassompierre, est bon pour Metz qui
est une place importante, mais ne vaut pas pour Saint-Dizier qui est ville
petite et de petite conséquence.
    — Alors l’intérêt du Roi est autre, dit Joinville. Si
le gouverneur déplaît en quoi que ce soit à Sa Majesté, Sa Majesté lui commande
de se retirer dans son governorat. C’est un exil qui ne dit pas son nom. Et
pour moi, quitter Paris et vivre à Saint-Dizier, ce serait indubitablement ma
mort.
    — Alors, prépare ton agonie ! dit Bassompierre en
lui lançant un regard entendu. La mort n’est pas une montagne. Le tout, c’est
d’être prêt.
    La physionomie de Joinville, qui m’avait paru vive et
pétillante, quand il m’avait expliqué la politique du Roi à l’égard des
gouverneurs de ses villes, se ferma, et baissant la tête d’un air buté, il ne
dit mot. Bassompierre se tut lui aussi et je me sentis quelque peu mal à
l’aise. À cet instant, par bonheur, Madame de Guise fondit sur nous, affairée
et rieuse, suivie de Noémie de Sobole. Prenant Joinville par le bras, elle lui
dit :
    — Eh bien, Monsieur mon fils, ne trouvez-vous pas
charmant le Chevalier de Siorac ?
    Sans attendre de réponse, elle reprit :
    — Où est passé Sommerive ? Mon frère Mayenne
l’avait fait l’ange gardien du Chevalier.
    — Vous le voyez, Madame, dit Bassompierre avec un geste
élégant de la main, en train de tenir des discours aimables au Prince de Conti
et au Duc de Montpensier.
    — Il ne risque pas d’être contredit, dit la Duchesse.
L’un est sourd et l’autre, sans mâchoire. Il n’empêche, reprit-elle, comme
prise de remords de s’être ainsi gaussée de sa parentèle, que Sommerive a un
cœur excellent.
    — Avec moi il est fort méchant, dit Noémie de Sobole.
    — C’est que vous lui montrez trop qu’il vous plaît, ma
fille, dit la Duchesse en lui caressant la joue du

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