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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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bâtards, étant
enfants de l’amour, ont souvent plus de beauté, de santé et de talents que les
enfants légitimes. Si la fille que le Prince de Conti a faite à la princesse
avait vécu, à votre sentiment, quel genre d’avorton serait devenue cette fille
légitime ?
    À cette question, qui fut posée avec beaucoup d’aigreur, je
ne répondis rien. Eh quoi ! pensai-je, Bellegarde ne serait pas le seul à
s’intéresser d’un peu près à la Princesse de Conti ?
    — Je vois, dis-je, autour de Madame de Guise, tout un
parterre fleuri de gentilshommes, chacun plus chatoyant que l’autre. Lequel est
le Comte de Soissons ?
    — Le plus grand et le plus hautain. Vous le
reconnaîtrez aussi à sa barbe carrée et à son grand front, lequel est fort
trompeur car, pour l’esprit, le Comte en a fort peu et du plus futile.
    — Est-il si haut que cela ?
    — Haut ? Le ciel est trop petit pour lui ! Il
est si entiché de son rang et si féru d’étiquette qu’il ne consent à converser qu’avec
très peu de gens. Il ne descend guère au-dessous des ducs et pairs, et encore
n’adresse-t-il la parole que du bout des lèvres au Duc d’Épernon, jugeant son
titre trop récent. Mon mignon, me permettez-vous de vous quitter pour quelques
instants ? La Princesse de Conti vient de m’adresser un appel de détresse.
Elle se trouve agrippée par un fâcheux de cour et attend de moi que je l’en
débarrasse.
    Ayant dit, Bassompierre s’en alla, me laissant tout étonné
qu’il ait pu apercevoir, dans cette foule, la Princesse de Conti, qui n’était
pas des plus grandes, et à mes yeux du moins – il est vrai que ce n’était
pas avec ceux du cœur – tout à fait invisible, où que je jetasse mes
regards.
    J’étais surpris aussi que ni mon père, ni le Chevalier de La
Surie, ne fussent là encore, alors qu’ils comptaient l’exactitude parmi les
devoirs auxquels ils étaient attachés. Je me sentais, à la vérité, très peu
chez moi à l’Hôtel de Grenelle, et aussi très abandonné, dès qu’un de mes anges
gardiens me quittait et tous, l’un après l’autre, l’avaient fait. Et comment
les blâmer, chacun courant à son devoir ou à son inclination ? Sans eux
pourtant, comment déchiffrer ces visages qui m’entouraient et dont les regards
effleuraient le mien sans s’y poser ?
    Par mon père, je savais nombre de choses sur les grands et
les moins grands de la cour, mais ne les ayant, à ce jour, jamais vus, comment
eussé-je pu sans aide les identifier ?
    J’en étais là de mes pensées quand j’entendis le Comte de
Soissons, alors à une toise à peine de moi, ordonner à voix très haute à
Monsieur de Réchignevoisin de conduire ses pas à l’endroit où se trouvaient les
princes du sang. Il mit de l’insolence dans ce commandement, comme si, après la
Duchesse de Guise, laquelle était sa cousine, seuls ses deux autres cousins et
son frère étaient assez hauts dans le royaume pour qu’il leur adressât la
parole. Monsieur de Réchignevoisin, avec une révérence qui allait jusqu’au
genou du Comte, l’assura suavement de son obéissance et, le précédant, lui
ouvrit un chemin dans la foule, la suite du Comte s’engouffrant dans la brèche.
    Quant au Comte de Soissons, il marchait d’un pas lourd, le
torse bombé, le menton en proue, la nuque rejetée en arrière. Il eût été assez
bel homme, si sa physionomie n’avait pas exprimé une hauteur si hargneuse
qu’elle lui retirait une partie de son humanité. Il me sembla qu’il devait cet
air-là au plissement de ses lèvres l’une contre l’autre et à des sourcils haut
levés sur des yeux mi-clos. Je le rencontrai plusieurs fois dans la suite de ma
vie et je lui vis toujours le même masque, lequel paraissait indiquer à ceux
qui se trouvaient sur son chemin son refus de les voir et son refus de leur
parler. Je me demandais, en m’en égayant quelque peu en mon for, comment le
Comte allait s’y prendre pour converser avec ceux qu’il avait choisis, en dépit
de leurs infirmités, comme ses premiers, peut-être comme ses uniques
interlocuteurs. Mû par cet appétit à voir et à savoir dont on me dit qu’il est
mon péché mignon, je ne craignis pas de me mêler à sa suite et de m’approcher
avec elle des princes du sang.
    Ils avaient reçu du renfort, si renfort il y avait, en la
personne d’un jeune gentilhomme que je n’avais jamais vu, mais que je reconnus
aussitôt pour être le Prince de Condé,

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