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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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sait ce qui m’est arrivé avec
papa ! Puis là : « Silence, on tourne ! Engueulez-vous, les
sœurs ! » Non, Micheline. Ma vie ressemble en rien à la tienne.
J’engueule pas, moi, je souffre. Je gagne pas ma vie à défendre la veuve et
l’orphelin du haut d’une chaire. Moi, je mouche les nez qui coulent, j’arrose
mes terres, mes fleurs. Et tu le sais : quand je souffre, je coupe les
ponts.
    Micheline était ébranlée, même si elle avait
mérité ce qu’Élise lui servait.
    – Miss Perfection… Tu changeras jamais,
Élise.
    – Tais-toi ! Tu m’as demandé de
parler, alors écoute ! Je suis pas Miss Perfection. Comparativement à toi,
Micheline, les filles qui vaquent à leur vie sans blesser rien ni personne sont
invisibles. Inintéressantes.
    – Voyons !
    – J’ai rien à dire, tu le sais. J’avais
un mari qui a passé sa vie à m’aimer en me trompant tout le temps et j’ai rien
vu, du moins j’ai choisi de rien voir. Mais je me disais, Micheline :
« Qu’est-ce qu’il va chercher chez les autres filles ? Je l’aime, je
suis pas laide, j’ai des idées… Qu’est-ce qu’il va chercher ? »
    – Rien.
    – Tais-toi ! Moi, je pense qu’il
allait chercher un peu d’émotions, pour rendre sa vie plus piquante. De la
turbulence, pour rendre sa vie plus sportive. Du mensonge, pour se faire croire
qu’il était meilleur comédien que sa pauvre petite conne. Le grand frisson,
pour être Casanova. C’est facile de dire qu’on aime quand on passe sa vie dans
un wetsuit , sans jamais se mouiller. Que l’eau soit chaude ou froide, on
le sait pas. On nage, on plonge, on regarde les écueils de loin. Tu peux pas
imaginer combien je l’ai aimé, Micheline. Plus que moi-même…
    – C’est peut-être ça que…
    – Tais-toi ! Quand ta femme désespère
d’être mère, tu vas pas faire un enfant à sa sœur ! Bordel !
    Le regard des deux sœurs pleurait.
    – Tu t’organises pas pour mettre en péril
les seules certitudes qu’elle a, pour fêler sa confiance ! Tu t’organises
pas pour l’isoler avec ses émotions dans une tour de rogne et de colère et de
honte ! Tu t’organises pas pour lui faire perdre la face devant, devant…
Je veux plus te voir, Micheline !
    – Tu peux pas…
    – Tais-toi !
    – O. K., je vais me taire, tout de suite
après t’avoir répété que ça a été un one-night stand . Je m’en souviens à
peine, Élise.
    – Facile à dire !
    – Surtout pas facile à dire ! Je
l’ai vu, à Montréal, dans la rue avec une femme qui s’appelait…
    – Suzanne…
    – Oui, Suzanne. Je l’ai su plus tard.
J’en ai perdu le souffle, tellement j’étais insultée. En tout cas, je sais pas
pourquoi, mais je les ai suivis, et je me suis retrouvée au Bluebird . Je
suis restée cachée un bon bout de temps, puis je me suis levée. J’en pouvais
plus. Je suis allée sur la piste de danse, toute seule, et je me suis approchée
de lui pour lui donner un coup de hanche. Il s’est retourné et il m’a souri,
puis le déclic s’est fait dans sa tête et son sourire s’est figé.
    – Je suis pas certaine que j’ai le goût
d’entendre ce que tu vas me dire.
    – C’est pas méchant. Il a dit merci à
Suzanne comme si c’était une partenaire de hasard, puis il est retourné à leur
table, a appelé le serveur pour lui demander de nettoyer, et a commandé une
bière comme si c’était son premier drink. Des nerfs d’acier.
    – Comme les tiens… ! Puis là, je parie
que vous avez parlé de moi… Il t’a dit combien il m’aimait… Il t’a reconduite
pendant que son autre pauvre idiote l’attendait à l’hôtel… Il est entré, pour
être certain que t’allais pas t’imaginer des choses, et tu l’as rassuré, puis
il a abouti dans ton lit… One-night stand ! Je suis pas certaine,
moi, que ç’ait été un one-night stand ! Ça a dû être un énorme one-night
fuck !
    Micheline fut saisie par la verdeur du propos
de sa sœur.
    – Peut-être… En tout cas, après cette
nuit-là, j’avais la ridicule impression que je pouvais l’avoir à l’œil pour
l’empêcher de te faire du mal, de te blesser, parce que t’es tellement démunie,
tellement fragile…
    – Pas tant que ça !
    – Je sais. Pas tant que ça… Puis c’est
moi qui t’ai blessée, presque mortellement, avec ma grossesse.
    – Pourquoi m’en avoir parlé, Micheline,
si c’était pas pour me faire mal ?
    – Parce que, maudite

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